27/01/2009

Le Buffet (3) : Je vais t'apprendre quelque chose dont tu te souviendras toujours




Septembre 1968 - c'est le mois de


François Truffaut - Baisers volés, sortie cinéma le 4 septembre 1968
Jean-Pierre Léaud, Claude Jade : Quelque chose dont tu te souviendras toujours
Mis en ligne par Christine A


La rentrée 1968 se faisait dans un climat étrange d'émeute contenue. Tous les groupes politiques à la gauche du PC avaient été dissous et restaient interdits, nombre de militants étaient encore emprisonnés. Bientôt une législation d'exception permettrait de maintenir en cabane, durant de longs mois, tout manifestant raflé au hasard, jugé sans état d'âme. De longues rangée de cars de CRS occupaient en permanence les boulevards. Les restes du mouvement étudiant parisien tournaient et retournaient dans la cour du Buffet, comme dans un piège.

Armand-Jean du Plessis, cardinal de Richelieu, promoteur redouté de l'état français moderne (1) et grand ami des chats...


Henri Brispot - Le cardinal de Richelieu et ses chats, estampe
A sa mort Richelieu avait quatorze chats, qui s'appelaient Félimare, Lucifer, Ludovic-le-Cruel, Ludoviska, Mimi-Piaillon, Mounard-Le-Fougueux, Perruque, Rubis-sur-l'ongle, Serpolet, Pyrame, Thisbé, Racan, Soumise et Gazette. Il les coucha sur son testament, mais ils n'en profitèrent pas.


...fut nommé en 1622 proviseur du collège de Sorbonne et passa le restant de sa vie à le rebâtir pour y avoir sa tombe dans la chapelle - d'où on le déterra le 5 décembre 1793, quelques sacripants en profitant, paraît-il, pour jouer au ballon avec son crâne.


Etrange bâtisse au demeurant - l'architecte du cardinal, Lemercier, rase les bâtiments de la Sorbonne médiévale et édifie sur leur emplacement un collège conçu autour d'une cour centrale...


Vue de la Sorbonne prise de la cour, entre 1830 et 1840


...collège qui restera tel quel jusqu'à la toute fin du XIXème siècle. Seule parenthèse, la période révolutionnaire pendant laquelle l'université - qui était essentiellement une faculté de théologie - reste fermée de 1792 à 1821. Les bâtiments sont lotis en ateliers d'artistes et la cour en partie transformée en jardin potager.


La cour de la Sorbonne, fin du XIXème


A partir de 1885 le bâtiment est entièrement recontruit par l'architecte Nénot qui reprend pour la partie littéraire, au nord de la chapelle, la même structure de cour telle que la voient aujourd'hui ceux qui peuvent entrer.




La cour de la Sorbonne, aujourd'hui
Mis en ligne par naitsofiane


Nous tournions en rond dans cette cour. Le choc de Mai avait ouvert une zone de turbulence qui dépassait largement les universités - les lycées, les bureaux, les usines et la rue s'agitaient tour à tour, mais les facs restaient le seul abri permanent du mouvement. Les comités d'action se réunissaient encore dans les facs, les lycéees, les quartiers et certaines entreprises, mais les groupes politiques maintenant souterrains mettaient en place leur propres coordinations. Une géographie se mettait en place, entre les locaux clandestins loués par des prête-noms, la cour de la Sorbonne et le parvis de Censier, les bureaux de l'UNEF rue Soufflot et le local d'Action rue de la Huchette, nos petits studios dont bien peu avaient le téléphone et où se réunissaient des cellules embryonnaires. A chaque minute des émissaires émergeaient du brouillard, porteurs de contre-ordres et de mauvaises nouvelles.

Nous tournions en rond dans cette cour. je me souviens de ceux auxquels nous faisions confiance, des militants dont on ne parle plus beaucoup et dont certains sont morts. Jacques Bleibtreu, Pierre Rousset, les Hocquenghem, Simon Baruch (2)... Au premier étage escalier C, le comité d'action philo se réunissait moins souvent mais nous conservions le petit local de l'UNEF qui se transformait doucement en permanence de la JCR clandestine - à vrai dire le groupe qui s'était le mieux comporté pendant les événements. Il fallait résister physiquement aux incursions de militants lambertistes (3) qui se relevaient d'une éclipse de quatre mois. Querelles de boutiques depuis longtemps en déshérence, mais je me souviens de Claude Chisserey, sectaire magnifique, insupportable et touchant - je garde encore l'impression de m'être engueulé avec lui tous les trois jours pendant quatre ans. On a retrouvé son corps dans la Seine en février 81.

Je me souviens du froid glacial de décembre sur le vieux port et le campus de Luminy. Un car nocturne nous avait tansportés à Marseille pour le dernier congrès de l’UNEF auquel nous allions porter un quelconque intérêt. Le ciel était couleur lilas, et dans l'énorme amphi de Saint-Charles les AG de villes se faisaient face rang par rang comme les hoplites de l'Iliade, et s'insultaient de même. Nous voulions transformer le syndicat en coordination des comités d'action, et après des jours et des nuits de tractations, de hurlements et de recomptages nous avons échoué de peu, laissant la maison aux étudiants du PSU, qui servaient d'ONU au mouvement. A posteriori l'évènement fut beaucoup plus décisif que nous ne le pensions sur le coup : privé de ce lieu central les CA allaient progressivement se déliter, ou se transvaser dans les groupes politiques.



Le collège de Sorbonne en 1550, reconstitution gravée vers 1850 :
la chapelle Sainte-Ursule


La plus grande partie du collège de Sorbonne est construite, sur les ordres de Richelieu, de 1627 à 1628. Dans le plan initial la chapelle médiévale de Sainte-Ursule devait être conservée, mais après la prise de La Rochelle le cardinal décide de modifier le programme architectural. La chapelle, qui s'ouvrait à l'emplacement de l'actuelle porte d'entrée sur cour, sera reconstruite plus au nord - elle ne sera d'ailleurs terminée que bien après la mort de Richelieu. Tour de force architectural : l'édifice a deux entrées, deux façades, l'une sur la cour, l'autre sur la place. Par la place on entre dans une église de plan rectangulaire et par la cour, dans une chapelle de plan centré évoquant les églises en croix grecque. On avait renforcé l'illusion en plaçant un autel dans chacun des axes. Double symbole - arrivant sur la place, vous êtes devant une église, dans la cour vous voyez la chapelle d'une université. Symbole supplémmentaire à partir de la mort de Richelieu ; vous êtes aussi devant le monument funéraire d'un ministre décisif, initiateur de l'absolutisme français.


Imaginez cet homme au faîte de son pouvoir - il vient de faire exécuter Cinq-Mars et de Thou, et de renvoyer au fond d'un château de province Monsieur, Gaston d'Orléans, leur principal complice dans la fameuse conjuration. Déjà près de mourir, il revient de Lyon à Paris "comme un triomphateur, porté par ses gardes , dans une chambre où étoient son lit, une table et une chaise pour une personne qui l'entretenoit pendant la route. Les porteurs ne marchoient que la tête nue, à la pluie comme au soleil. Lorsque les portes des villes et des maisons se trouvoient trop étroites, on les abattoit avec des pans entiers de muraille, afin que son éminence n'éprouvât ni secousse ni dérangement..." (4)

Quand Richelieu meurt le 4 décembre 1642, le peuple de Paris allume des feux de joie. Le 13 son corps est transporté dans la chapelle inachevée. Il était tellement détesté que selon certaines sources on doit bientôt mettre sa dépouille à l'abri, certains menaçant de la jeter à la Seine.

Nous tournions en rond dans cette foutue cour. Grèves et meetings se succédaient à Paris comme dans les facs de province; à la mi-décembre, la police avait fait évacuer la faculté de médecine de Paris et celle des sciences à Toulouse, elle contrôlait les cartes à l'entrée du campus de Nanterre. Lequel de nos stratèges eut l'idée pour sortir de là de tenter une répétition du 22 mars ? Les défaites étant orphelines, comme l'ont dit quelques-uns, on ne le saura jamais. L'occupation de la tour administrative de Nanterre (5) avait été un des déclencheurs de Mai - à la répression nous allions donc répliquer par l'occupation du rectorat de la Sorbonne. Je ne me souviens plus exactement quel était le motif (des exclusions de lycéens au lycée Saint-Louis tout proche ?) toujours est-il que ce jour-là nous nous sommes rués gaiement dans le grand escalier.



Sorbonne - Escalier d'honneur du rectorat


Le cardinal fut enterré en hâte, dans un caveau situé sous le choeur de la chapelle. Il avait laissé à sa nièce, la duchesse d'Aiguillon, le soin d'y ériger un cénotaphe. Un demi-siècle plus tard c'est une autre duchesse d'Aigullon, nièce de la précédente, qui fait réaliser par Girardon le monument où Richelieu, soutenu par la Piété, est pleuré par la Doctrine chrétienne.






Lors de la révolution c'est ce tombeau, selon les chroniques de Feuillet de Conches, que vint sauver Alexandre Lenoir, conservateur des monuments nationaux nommé par la Constituante. "(Il) était présent dans l'église de la Sorbonne quand les furieux voulaient réduire en poudre le tombeau de marbre du cardinal... en s'opposant à ce vandalisme, il fut blessé d'un coup de baïonnette, mais du moins il réussit à sauver le marbre. Les brigands se dédommagèrent en arrachant le corps de sa tombe et le foulèrent au pied sur les dalles du sanctuaire. D'ailleurs Lenoir raconte lui-même : "Le cardinal que j'ai vu retirer de son cercueil offrait aux regard l'ensemble d'une momie sèche et bien conservée. La dissolution n'avait point altéré ses traits. Une couleur livide était répandue sur sa peau. Il avait les pommettes saillantes, les lèvres minces, le poil roux et les cheveux blanchis par l'âge". Un des suppôts du gouvernement de 1793 croyant venger, dans sa fureur, les victimes de ce cruel ministre, coupa la tête de Richelieu et la montra aux spectateurs qui se trouvaient alors dans l'église" (6).


Ce 23 janvier de 1969, l'occupation du rectorat dura une fin d'après-midi, et un début de soirée. Une fois égaillé le personnel académique, les plus systématiques d'entre nous se mettaient à fouiller les tiroirs à la recherche des "listes noires", une obsession de l'époque. Par les fenêtres...





...nous voyions la police et les gardes mobiles se rassembler, et au soir tombé nous n'étions plus qu'une centaine dans cette souricière. Bruit de troupe en marche - un cordon de police casqué barrait le bas de l'escalier. Sommation, reddition, fouille générale et sortie un par un, puis dans les cars, direction Beaujon. Sur le boulevard Saint-Michel des échauffourées, des charges contre les manifestants qui tentaient de prendre la police à revers. Un peu plus tard, occupants et manifestants rassemblés, nous étions cent cinquante dans les cages de garde à vue et nous chantions avec entrain - ce soir là la police avait été professionnelle et sans bavure, nous allions bientôt comprendre pourquoi. Et puis au matin, on nous libéra.


En ce 15 Frimaire de l'an II, une fois décapité le cardinal, les témoignages divergent. Selon certains, ce serait l'abbé Boschamp, curé de Pordic, passant devant la chapelle qui aurait vu des garnements jouer à la balle au pied avec la tête de Richelieu, se serait mêlé à leurs jeux en dribblant jusqu'à la rue de la Harpe et y aurait confié la relique au bonnetier Cheval. Puis Boschamp aurait repris la tête pour l'abriter chez lui à Saint-Brieuc, la léguant à sa mort en 1805 au curé de Plourivo (Côtes-d'Armor) Nicolas Armez, dont la famille la conserva jusqu'en 1866 (7). Cette année là elle fut remise à Victor Duruy, ministre de l'Instruction publique de Napoléon III, qui la fit en grande cérémonie replacer dans la chapelle après les moulages et études anthropométriques de rigueur à l'époque. La nécrophilie administrative ne s'arrête pas là puisque Gabriel Hanotaux, ministre des affaires étrangères du gouvernement Dupuy, exigea en 1895 qu'on l'exhumât pour l'examiner et la photographier. Et la comparer avec les tableaux de Philippe de Champaigne.

En ce matin du 24 février il faisait, comme disent les Italiens, un froid de bourreau - freddo boia - sur les quais de la Seine qu'en Mai de l'année précédente j'avais pris l'habitude de suivre pour rentrer chez moi. Une heure et demie de marche jusqu'à mon septième étage, le temps de dissiper les odeurs de cellule, même si le métro fonctionnait maintenant. A moitié endormi, je rêvais en passant devant la galerie du bord de l'eau. Si j'étais resté jusqu'au bout de cette occupation qui avait pris des allures de pétaudière - au lieu de suivre les militants plus rassis que j'avais bien vus s'éclipser avant l'arrivée de la police - c'était plutôt pour ne pas y laisser la fille dont j'étais amoureux, et dont je me demandais si ses raisons de s'attarder dans ces lieux n'étaient pas symétriques des miennes. Intéressantes mais vaines suppositions sur lesquelles je m'endormis sitôt arrivé chez moi; et ce qui s'enchaîna des évènements de cette nuit-là m'empêcha à tout jamais d'avoir le fin mot de l'histoire.

Champaigne était le portraitiste officiel du cardinal, c'est-à-dire le maître d'oeuvre d'une petite industrie picturale dont on retrouve aujourd'hui les produits (8) dans nombre de musées et de bâtiments officiels. Les plus connus - outre le fameux triple portrait envoyé au Bernin - sont les trois portraits en pied du Louvre, de la National Gallery et de la Chancellerie des Universités. Il existe au rectorat de la Sorbonne un second portrait du cardinal par Champaigne, portrait assis celui-là et d'un moindre intérêt selon les connaisseurs - sauf en ce qui concerne cette histoire. Un des occupants de ce soir-là avait cru bon de le détourner en l'agrémentant de deux bulles qui faisaient proférer au cardinal les sentences suivantes :


"Détournons l'art de sa fonction de mortification, l'art est mort, vive la révolution"
"L'humanité ne sera enfin heureuse que lorsque le dernier cardinal aura été pendu avec les tripes du dernier homme d'état".


Dans les gazettes du lendemain, les bonnes gens apprirent donc que "le Richelieu de Philippe de Champaigne" venait d'être vandalisé par des déprédateurs. Et quarante-huit d'entre nous, qui ne se plongaient pas tous les jours dans le Journal Officiel, découvrirent cinq jours plus tard...





...toutes les ressources du décret 68-1118 du 13 Décembre 1968...





...confirmées une semaine plus tard à trente-quatre récipiendaires...






...soixante-douze heures suffisant ensuite pour que, comme dix autres de mes petits camarades, je sois réveillé par deux gendarmes souriants qui me remirent contre récépissé un morceau de carton jaunâtre.





Evidemment nous nous réunîmes...






...nous fûmes activement soutenus...





...et le 12 février il y eut une assemblée générale de plus de mille personnes au Buffet, le lendemain une grève massive à la fac de Lille, le 24 un meeting à la Bourse du travail, et encore une manifestation le jour de notre départ vers les casernes. Mais le mouvement se débattait dans un complet isolement. L'hostilité de la droite allait de soi, mais la gauche officielle ne valait guère mieux, quant au PC il débordait de haine. Un collectif d'avocats s'était formé et nous avons préparé le recours sur lequel nous allions d'ailleurs gagner six mois plus tard. Nous courions de réunion en réunion, découvrant cette bizarre et progressive solitude de ceux qu'on prend pour cible, sachant très bien qu'au dernier jour nous ne serions jamais que onze, chacun face à son comité d'accueil.

Nous apprîmes plus tard que la décision était remontée jusqu'à Napoléon IV, et que c'était lui qui avait tranché pour la manière forte - en fin politique d'ailleurs. Sentant la faiblesse du mouvement, il avait saisi l'occasion d'accroître sa marge de manoeuvre pour préparer le référendum. Peine perdue d'ailleurs, ce coup de bâton était la dernière mission que ses mandants lui confieraient; deux mois plus tard, il perdait le pouvoir.

Le mouvement, lui non plus, n'allait pas survivre à l'épisode. Les comités d'action et le mouvement unitaire, tel qu'il s'étaient constitués en Mai et qu'il avaient tant bien que mal survécu en Septembre, se morcelaient peu à peu selon les stratégies divergentes qui s'y investissaient.

Quand il eut assouvi sa curiosité, Gabriel Hanoteaux fit sceller la tête de Richelieu dans du béton avant de la replacer dans son caveau; il recommanda la discrétion aux preneurs d'images. Mais de son côté la famille Armez avait pris soin de photographier le visage momifié - si donc ne vous effraie pas la perspective d'un tête-à-tête avec Armand-Jean du Plessis, évêque de Luçon, cardinal duc de Richelieu et de Fronsac, pair, commandeur du Saint-Esprit, gouverneur de Bretagne, grand maître de la navigation et héros de roman, c'est ici ou . Le béton ayant probablement détruit la momie il n'y aura plus d'autres photos de lui, ce qui est après tout un soulagement tant son fantôme semblait insister à hanter les corridors de l'histoire.

Peu après l'occupation de janvier 1969, l'administration fit murer le couloir qui faisait communiquer la cour du Buffet avec le rectorat.

Les restes mis à jour par la profanation du 15 frimaire an II - ceux du cardinal, hormis la tête, et ceux des autres membres de sa famille trouvés dans la chapelle - furent un peu plus tard déversés dans un caveau oublié de la Sorbonne.

Il y eut d'autres tentatives de réveiller ce vieux bâtiment. Je me souviens de Daniel courant en 1971 dans les couloirs avec son mégaphone et son comité de lutte. Il y eut un sursaut tragique en 86, et plus récemment encore. Je continue pourtant de penser que le 23 janvier 1969 marque la fin du Buffet en tant que lieu un tantinet critique. A partir de ce moment, il devient cette bizarre exception française, une Universitas fermée au public. Puis, redoré, récuré à la brosse comme tant de lieux parisiens, il finit en local de luxe où se succèdent ces évènements mondains dont raffolent les administrateurs de la platitude.





Je me souviens de la dernière réunion de ce qui nous servait de comité de soutien, tard dans la nuit au local de l'UNEF rue Soufflot. Il ne restait plus qu'un ou deux membres du bureau national, des émissaires de la minorité lambertiste (8) et les représentants des "onze", c'est-à-dire un autre camarade et ma pauvre pomme. Les lambertistes, qui voulaient reconquérir le syndicat - et qui y parvinrent d'ailleurs peu après - invectivaient leurs adversaires, d'un revers de main la pipe d'un membre du bureau s'envola... Je n'ai pas grand souvenir du reste de l'algarade, nous avons dû les séparer. Puis tous deux nous sommes partis sans trop de regrets, l'heure avançant - nos casernes nous attendaient.


En bas de la rue Soufflot, nous nous sommes souhaité l'un à l'autre bonne chance, et je suis allé passer mes derniers coups de téléphone au sous-sol du Mahieu, qui n'existe plus depuis longtemps.

Quand je suis ressorti, il faisait ce que les italiens appellent un froid de chien - freddo cane - sur le boulevard Saint-Michel désert. Il ne me restait plus qu'à marcher une heure et quelque jusque chez moi, et à faire ma valise qui était très petite - le lendemain tôt, j'avais un train gratuit à la gare de l'Est. Je m'en souviens comme si c'était hier : jamais je ne m'étais senti aussi libre, et jamais depuis, d'ailleurs, je ne l'ai autant été.

Et j'entrai pour quelque dix ans dans la Zone...


...grâces en soient rendues à la fille pour qui mon coeur battait ce soir là, et à Armand-Jean du Plessis, cardinal duc de Richelieu.


(1) C'est-à-dire absolutiste. Les états généraux se réunissent sept fois au cours du XVIème siècle, et une seule fois en 1614 au XVIIème. C'est Richelieu qui fait en sorte de ne plus les convoquer, ensuite le pli est pris jusqu'à l'ultime session de 1789.

(2) dit Georges Marion. Il vient d'écrire un livre intéressant sur ses vies ultérieures.

(3) L'Organisation Communiste Internationaliste était un petit groupe que quinze ans d'isolement avaient renforcé dans ce travers classique des trotskystes, le mimétisme stalinien, faisant siennes les armes de ses adversaires, rigidité, anathème et parfois intimidation physique. Les avocats de la défense diront que ces défauts sont la contrepartie de la survie des idées en environnement hostile. Dans les années 70 l'OCI devint un mini-parti de taille respectable, son adhérent de l'époque le plus connu étant Lionel Jospin.

(4) Anquetil - Histoire de France depuis les Gaulois jusqu'à Louis XVI, 1817, tome VII.

(5) Dont le motif, faut-il le rappeler, était d'obtenir la libération de Xavier Langlade, dit Toussaint, et de ses camarades.

(6) F. Feuillet de Conches, Causeries d'un curieux, variétés d'histoire et d'art tirées d'un cabinet d'autographes et de dessins, 1862, tome II, p. 178. Alors que le transport du tombeau au dépôt des Petits-Augustins, sur ordre de Lenoir, avait été effectué en 1792 "des malveillants étaient en train de détruire, son nez a été coupé avec un sabre ; je le ramassai et le fit recoller ; les marques des coups de baïonnette se voient encore sur les figures accessoires" cf. Archives du musée des monuments français, t. I 1883, p. 23, cité par Geneviève Bresc-Bautier, Le tombeau du cardinal de Richelieu, in La Sorbonne un musée, ses chefs d'oeuvre, RMN éd. 2007. Dans sa Notice historique des monuments des arts réunis au dépôt national des monumens, Paris an IV, p. 34, Lenoir ajoute que "cet ouvrage, parfait en sculpture pour son exécution, avoit déjà été légèrement mutilé, avant son transport, par des ennemis des Arts qui avoient eu accès dans la Chapelle". L'anecdote a-telle été enjolivée, s'agissant de la blessure de Lenoir, par lui-même ou par d'autres ? La date le plus souvent avancée pour la profanation du caveau lui-même est celle du 15 frimaire an II (5 décembre 1793) soit un an après le transport du monument aux Petits-Augustins. Il est donc probable que Feuillet de Conches amalgame les faits survenus à des dates différentes.

(7) Selon d'autres témoignages c'est Cheval, voire Nicolas Armez lui-même, qui se serait emparé de la tête au moment de la profanation. De toutes façons les différentes versions s'accordent pour faire aboutir cette tête chez Armez à Plourivo. A noter que la plupart des informations que l'on trouve ici où là sur internet à propos de la tête de Richelieu dérivent d'une seule source, l'article publié par Jean Chasse dans Historia (n°196, mars 1963) à partir de plusieurs recherches effectuées par des érudits bretons, article que l'on peut trouver ici.

(8) "On ne compte plus les répliques, les répétions, les copies..." note Pierre Rosenberg (La Sorbonne, Richelieu et Philippe de Champaigne, in La Sorbonne un musée, ses chefs d'oeuvre, RMN éd. 2007.

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