31/01/2017

Fantômes à la rencontre : l'art au travail


Louise Stimson - Jean-Louis Forain au travail dans son atelier
Diorama, ca 1966
Via American Antiquarian Society sur Instagram





L'atelier a été reconstitué en miniature d'après une photographie d'époque, et la statuette fabriquée d'après les portraits de Forain.

Le diorama fait partie d'une série de onze exécutés par Louise Stimson pour accompagner la Collection Wiggins d'estampes de la Boston Public Library.


On peut voir ici sur Printeresting l'ensemble de ces dioramas, préservé au douzième étage de la BPL dans un recoin plus ou moins bien éclairé (d'où la qualité des photos) : ici Daumier, là Lautrec, etc... Egalement ailleurs, sur Flickr : Rembrandt, Muirhead Bone, Buhot, Bellows.

30/01/2017

Le bar du coin : Pétrov-Vodkine, encore


Kouzma Pétrov-Vodkine - France, Café au bord de la mer, Puys de Dieppe, 1925 
Encre et lavis sur papier

29/01/2017

Les intérieurs sont habités : Pétrov-Vodkine


Kouzma Pétrov-Vodkine - Intérieur avec un poële, 1919
Crayon, encre et aquarelle sur papier





Kouzma Pétrov-Vodkine - Intérieur, 1920
Dessin à la plume 
Collection particulière

28/01/2017

Les occupations solitaires : la bassine


Dick Ket - Autoportrait (avec une bassine), 1930
Crayon, craies noire et blanche sur carton
Musée d'Arnhem





Et pendant ce temps-là...
...un utilitaire vraiment utile, pour une fois : le générateur automatique de malédictions

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27/01/2017

Le bar du coin : cigale


Olivier Azam - La cigale, le corbeau et les poulets, 2016
Mis en ligne par Les Mutins de Pangée




On remercie Pierre Blondeau, tenancier du bar-tabac La Cigale à Saint-Pons de Thomières (Hérault) et ses copains de s'être déplacés jusque dans notre (chef-lieu de) cantou pour présenter ce film "d’après un scénario grotesque écrit par l’élite de la police".

Voir le site du film... 





Mme Chat - Mai kékséksa, au vrai, un cantou ?

M. Chat - Frrrt (il compulse) ben, il semble que ce soit un endroit où... on se tapit, on se blottit dans un coin...


26/01/2017

L'art de la lecture : Sedlacek


Franz Sedlacek - Bibliothek, 1926 
Huile sur bois 
Oberösterreichische Landesmuseen, Ladengalerie Linz



De Sedlacek déjà, ici et .

25/01/2017

Une photo, une histoire, une veuve et un crocodile


Karl Bulla - Ilia Répine lit le journal annonçant la mort de Tolstoï, en présence de sa femme et de Korneï Tchoukovski, Kuokkala, Novembre 1910



Voilà la photo. Tolstoï vient de mourir, le 20 novembre 1910 (nouveau style). Répine en lit l'annonce dans Retsch (la Parole), le quotidien pétersbourgeois du parti constitutionnel-démocrate. Au-dessus de sa tête, un de ses nombreux portraits de l'écrivain.




Ilia Répine - Portrait de Léon Tolstoï et de Sophie Bers, son épouse, à Iasnaïa Poliana, 1907



Tout à droite de la photo, Korneï Tchoukovski - à côté de lui, son portrait par Répine...




Ilia Répine - Portrait de Korneï Tchoukovski, 1910



et au-dessus de sa tête, celui...




Ilia Répine - Portrait du peintre Isaac Brodski




...de Brodski qui, au cours de sa carrière, plutôt courte, peignit ceci,  ceci mais aussi cela.


La photo est prise (et un peu posée, vu la disposition des tableaux) à Kuokkala, en Finlande (aujourd'hui en Russie) tout près de Saint-Pétersbourg. Plus précisément aux Pénates, la datcha de Répine - une datcha sans aucun serviteur où les invités étaient accueillis par une pancarte "débrouillez-vous".

Tchoukovski était un habitué des Pénates, on l'y voit par exemple ici en 1915...







en compagnie de son second fils Boris et de Vladimir Maïakovski (à gauche). Et voici l'histoire.

On est en 1916 ou 17, Boris voyage en train avec son père. Boris est malade, Tchoukovski doit trouver un histoire pour le divertir. Il improvise le poème du Crocodile

Il était une fois
Un crocodile
Il marchait dans les rues
fumait des cigarettes
et parlait turc. -
Crocodile, crocodile,
Crocodilovitch !

Boris aime bien le poème; les autres enfants aussi puisque ce crocodile, quelques années plus tard...




Korneï Tchoukovski - Le crocodile, 1927
Illustrations de Nikolaï Remizov (Re-MI)
Source




bourré de nonsense à la russe...






...fait un joli succès : 500.000 exemplaires. Un classique instantané de la littérature enfantine.




Korneï Tchoukovski - Le crocodile, 1916-17, 1ère partie
Lu par Natalia Worrington
Mis en ligne par Stratnat



C'est alors qu'entre en scène la veuve.

Nadejda Kroupskaïa, veuve de Lénine (mort en 24) est alors à la tête de la Commission de la littérature pour enfants au GUS - CSEConseil Scientifique d'Etat au sein du commissariat du peuple à l'instruction. Elle lance une campagne de rectification des illustrés pour la jeunesse, en prenant pour cible le Crocodile, dans un article de la Pravda du 2 février 1928. Pour elle, le poème de Tchoukovski, c'est de "la fange bourgeoise": 

 "Au lieu de leur donner à entendre des faits sur la vie des crocodiles, on sert aux enfants un pur non-sens". 

Dans le même temps, un article de la Komsomolskïa Pravda pose en ces termes la question : "parler du gentil petit lièvre gris ou du plan quinquennal ? Contre une littérature pour enfants apolitique".


"On vient de m'apprendre qu'il y a un article de Kroupskaïa dans le journal. Pauvre de moi, vais-je de nouveau connaître la misère ?
J'écris ma réponse à Kroupskaïa, mais mes mains tremblent; je n'arrive pas à rester assis, il faut que je m'allonge."
Korneï Tchoukovski - Journal 1901-1929, entrée du 3 février 1928, p. 506
trad. Marc Weinstein, Fayard éd. 1997


Kroupskaïa était par elle-même assez butée, mais il se peut que d'autres l'aient poussée (1). De plus, ces attaques contre le Crocodile s'entremêlaient avec une campagne des critiques concurrents de Tchoukovski, qui menait de front ces deux activités, la littérature poétique pour enfants et les études littéraires, notamment sur Nekrassov.

Et Tchoukovski vécut ainsi, comme bien d'autres jusqu'au milieu des années 1950, se réfugiant dans la littérature pour enfants mais devant soumettre à la censure chaque conte et chaque poème, enfoui dans les besognes alimentaires, protégé au début par Gorki, protégeant ensuite, tant qu'il pouvait, les autres. Passant des compromis pour survivre (2). Mais revenons à notre histoire.

Dans cette lutte inégale il arrive que le nonsense revienne pervertir (ou détourner, ou distraire ?) le trop-plein de sens de l'idéologie. Le crocodile réapparaît dans Barmaleï (1925) une des aventures du Docteur Aïbolit (3). Barmaleï est un méchant ogre (4) qui surprend le bon docteur et les enfants qui l'accompagnent; il va les manger mais...



Léonid Amalric & Vladimir Polkovnikov - Barmaleï, 1941, d'après Korneï Tchoukovski
Mis en ligne par Kinograd



 ils sont sauvés par un crocodile qui avale Barmaleï. Le conte plaît tellement que l'on construit dans les années 1930 toute une série de Fontaines Barmaleï, sculptées par Roman Iodko, un des auteurs, après Ivan Shadr, de la série des Filles à l'aviron, dont les chats ont déjà parlé. Sur ces fontaines, des enfants font la ronde autour d'un gentil crocodile. La plus célèbre...



Roman Iodko - Fontaine Barmaleï, Stalingrad
photographiée le 23 Août 1942


...est celle qu'Emmanuel Evzérikhine a photographiée à Stalingrad en 1942, et dont on peut toujours voir, là-bas...





Fontaine Barmaleï
Musée de la bataille de Stalingrad
Source



...la réplique, sur une terre où sens et nonsense se côtoyèrent de si près.



Le portrait de Tchoukovski par Répine fait la couverture du premier volume du Journal :






















...un des témoignages les plus complets sur l'intelligentsia de l'époque, un voyage dans le ventre de la baleine, douze cents pages qui commencent avec Gorki et finissent avec Soljénitsyne.




Korneï Tchoukovski - Les meilleurs poèmes
Mis en ligne par Школа мам и пап




(1) Par Natan Vengrov, directeur du bureau central du CSE et directeur de la littérature enfantine et pour la jeunesse aux éditions d'état, cf. l'entrée du 26 mars 1928 du Journal de Tchoukovski.

(2) Ecrivant en 34, dans son journal, un éloge de Staline dont il ne pensait pas un mot, parce qu'il savait que ce journal pouvait être lu (et détruit) par le NKVD... Ami et défenseur de Pasternak mais signant la résolution de l'Union des écrivains qui le condamnait (reproduite par Iouri Annenkov, dans son Journal de mes rencontres, p. 608 de l'édition française).

(3) Inspiré du Dr Doolitlle de Hugh Lofting. Tchoukovski était anglophile et fin connaisseur de la littérature anglaise pour enfants. Il a notamment adapté en russe les Contes de ma mère l'Oye, mais à partir de leurs versions anglaises, les Mother Goose rhymes.

(4) Son nom lui aurait été donné par Mstislav Doboujinski, un jour qu'il se promenait, avec Tchoukovski dans la rue Barmaléiéva de Saint-Pétersbourg. Doboujinski demande d'où vient le nom de la rue, et Tchoukovski émet des hypothèses : un médecin anglais, un parfumeur nommé Bromley ? Pas du tout, répond Doboujinki, ce devait être un terrible brigand, Barmaleï - et il le dessine, avec des moustaches.



24/01/2017

L'art de la rue : achat et vente


John Vachon - Sans titre, Washington D.C., 1937
Library of Congress





Bibliothèque du Congrès, Fonds FSA : John Vachon

23/01/2017

L'art de la fenêtre : Bioulès


Vincent Bioulès - Le mois de Janvier, 2015
Huile sur toile
Via Thunderstruck

22/01/2017

Une semaine dans les oreilles (7) : le ticket de 67 est toujours valable


Box Tops - The Letter, 1967
Mis en ligne par tabbap


Gimme a ticket for an aeroplane
Ain't got time to take a fast train
Lonely days are gone, I'm a-goin' home
My baby, just-a wrote me a letter...


M. Chat - Je vous parle d'un temps que les moins de... 
Mme Chat - Ouaou!! C'était quoi déjà ça, c'était quoi ?

21/01/2017

20/01/2017

Une semaine dans les oreilles (5) : les dieux ont toujours soif


Alexandre Avanessov - Умереть за идею / Mourir pour des idées
musique et paroles originales de Georges Brassens




Avanessov chante Brassens en russe (en remerciant LËSHAT)

19/01/2017

Une semaine dans les oreilles (4) : musique pour nuages


Tōru Takemitsu - Musique pour Midaregumo / Nuages épars, de Mikio Naruse, 1967
Mis en ligne par TheUnknown837




Nuages épars est une splendeur crépusculaire et introuvable. Crépusculaire parce que c'est le dernier film de Naruse qui meurt deux ans plus tard, que Mizoguchi et Ozu sont déjà morts eux, depuis un bail, et que Kurosawa traverse alors le désert hollywoodien : fin d'une époque.

Introuvable en dvd (à ma connaissance il n'a jamais figuré que sur le canal Hulu de la Criterion collection) et jamais visible en salle, sauf miracle il vous faudra attendre une rétrospective Naruse en cinémathèque, mais dans ce cas-là précipitez-vous. Je me souviens l'avoir vu une seule fois, en 2003.




Mikio Naruse - Midaregumo / Nuages épars, 1967
Mis en ligne par yutorideath
(et désolé pour l'anamorphose...)



L'argument initial de Nuages épars est curieusement assez proche du Broken lullaby (L'homme que j'ai tué) de Lubitsch (1). Mishima tue involontairement Hiroshi dans un accident de la circulation. Il veut s'excuser auprès de sa veuve Yumiko et la dédommager, mais tout d'abord elle ne veut pas entendre parler de lui. Plus tard ils se retrouvent par hasard dans la même ville, elle après avoir été évincée par la famille de son mari défunt, lui muté par son entreprise. Leur seconde rencontre se transforme en un amour naissant - qui restera mort-né. De cet argument Naruse tire un mélodrame doucement inexorable. Deux solitudes parallèles cheminent dans la campagne japonaise, une expiation impossible se résout au final dans une implosion de tristesse partagée. Rares sont les films qui laissent à ce point un goût de fatalité - et les thèmes de Takemitsu n'y sont pas non plus pour rien.


Tōru Takemitsu (1930-1996) a composé la musique de dizaines de films, dont Kwaïdan, Dodes'kaden, La cérémonie, Une petite soeur pour l'été, L'empire de la passion, Ran, Pluie noire...

...mais encore ceci : 




Tōru Takemitsu - Rain spell, 1980
Mis en ligne par TheWelleszCompany





...ou, pour finir dans un bar :



Tōru Takemitsu - Valse
Musique pour Hiroshi Teshigahara - Tanin no kao / Le visage d'un autre, 1966
Paroles en allemand de Tatsuji Iwabuchi, chantées par Beverly Maeda
Mis en ligne par LoveExposure





(1) Pour la fin, il est plus proche de ce que François Ozon en a récemment refait.

18/01/2017

Une semaine dans les oreilles (3) : c'est la terre promise


Fabulous Trobadors - Demain
Mis en ligne par lafolle5931







Des Trobadors déjà, ici et .

17/01/2017

Une semaine dans les oreilles (2) : valse, rolls et dalmatien


Lord Berners - Valses bourgeoises, 1 : Valse brillante, 1918
Pour deux pianos
Mis en ligne par almoro music





Gerald Tyrwhitt-Wilson, 14ème Baron Berners (1883-1950), compositeur, peintre et occasionnellement écrivain, plus communément connu sous le nom de Lord Berners, fut un excentrique anglais authentique, recevant toute la génération des Bright Young People dans sa demeure de Faringdon, Oxfordshire. Il aimait peindre ses colombes en rose ou turquoise, son dalmatien portait un collier de perles et sa Rolls avait un clavicorde incorporé. Et il aurait peut-être été un grand compositeur, s'il n'avait pas été si occupé à bavarder avec Gertrude Stein et Nancy Mitford, ou à prendre le thé avec son cheval. Mais il a écrit ces valses...





Lord Berners - Valse, 1943
Leon Forster, piano
Mis en ligne par Wellesz Theatre




...et aussi le poisson d'or.





Si on veut en apprendre un peu plus on peut lire (en anglais) The mad boy, Lord Berners, my grandmother and me, le livre écrit par Sofka Zinovieff, la petite-fille du compagnon de Lord Berners.

16/01/2017

Tango pour un Blue Monday (une semaine dans les oreilles, 1)


Alfred Schnittke - Tango dans une maison de fous
Tango (intermezzo) pour l'opéra La vie avec un idiot (1990-91)
Mis en ligne par frauzaurih




Pour vous divertir, pour ne pas vous laisser abattre par une certaine mélancolie, certes propre aux débuts des mois de janvier, mais aggravée cette année par un entassement lugubre de professions de foi pour soldats de plomb (1), l'œil des chats vous offre une semaine de musique et de chansons. A commencer par un tango de Schnittke.

La vie avec un idiot, l'opéra dont ce morceau est extrait, est adapté d'une nouvelle de Victor Erofeïev, qui est d'ailleurs l'auteur du livret. Vous trouverez ici (mais en anglais) un résumé substantiel de l'action, qui est d'un très noir burlesque (2). 

En encore plus bref, voici : le premier personnage, qui s'appelle Moi, ne s'intègre pas bien à la société; pour cela il est condamné à loger chez lui un fou qu'il doit choisir à l'asile : ce sera Vova, qui ne paie pas de mine, qui ne sait dire que ah... et qui prendra pourtant le pouvoir sur Moi et sur sa femme, détruira tout chez eux à commencer par la bibliothèque (tout particulièrement Proust), tuera la femme et s'en ira, laissant Moi devenir fou à sa place. On comprend mieux si l'on sait que Vova était le petit nom de Vladimir Ilitch Lénine - et que donc le petit monde que forment, indissolublement liés, le logis de Moi et l'asile de Vova, ce monde est une métaphore de la Russie soviétique. Une métaphore que Schnittke, né en 1934 à Engels sur la Volga,  pouvait filer sans problème.


De Victor Erofeïev on peut lire en français Ce bon Staline. Et ici deux entretiens à propos de la Russie d'aujourd'hui - enfin, de 2014... - puis toujours du même, là, quelques articles sur Boulevard Extérieur.

De Schnittke déjà, ici et .




(2) Il faut parfois un peu de (très) noir pour corriger le bleu de la mélancolie.






(1) Et pendant ce temps là...

15/01/2017

L'art de la fenêtre : John Nash


John Nash - The Garden under Snow, ca 1924-1930
Huile sur toile
Ulster Museum
Via poboh




John Nash avait un grand frère, Paul.






Et pendant ce temps-là...
..."les réseaux sociaux sont très utiles, ils procurent du plaisir, mais ils sont un piège" (en anglais) - Zygmunt Bauman,  19/11/1925-9/01/2017. En français : (1) - (2).

13/01/2017

Les vacances du bestiaire : fêtons les nombres premiers et les Vendredi 13


Sustai Ulanbaagen - Drunk cat on couch
Gravure sur bois
Source 



La caissière du cinéma - Bonjour, M. Chat ! Quelle bonne année s'annonce !

M. Chat (méfiant) - Ha bon, et pourquoi donc ?

La caissière (enthousiaste) - Parce que 2017 est un nombre premier !

M. Chat (prenant son ticket pour Ma' Rosa, film excellent mais d'une gaîté mesurée) - Voilà bien la première bonne nouvelle depuis longtemps...

La caissière (au comble de l'excitation) - Et en plus, nous sommes Vendredi 13 !

M. Chat (rassuré à l'idée que les nombres premiers font partie des rares ressources qui ne risquent pas de s'épuiser avant  longtemps, de même que les vendredi 13) - Je m'en vais fêter ça dès que l'héroïne du film sera tirée des mains de la police...

12/01/2017

Le clair de l'autre

La pointe, Balaruc, 1er janvier 2017 à 17h06



M. Chat - Ouvrant par hasard ma bibliothèque, je découvre que nous célébrons, selon Maxime Delcourt (1) le cinquantenaire de ces années qui ne se terminèrent...










Mme Chat - ...que trop tôt, hélas !

M. Chat - Et au fait, pourquoi faire commencer ces années, précisément, en 67 ?

Mme Chat - Frrrrt (elle compulse) Ah, voilà... Pour lui, c'est l'année d'Evariste, E=MC²...

M. Chat - avec cette chanson où les éléphants attendaient l'automne...

Mme Chat - et où brillait pour la première fois cette lumière venue d'ailleurs...

M. Chat - le clair de l'autre.

Mme Chat - Vite, où est passé l'électrophone ?




Evariste - Evariste aux fans, in E=Mc², 1967
Mis en ligne par zurnoise





(1) Publicité gratuite

11/01/2017

Une semaine Annenkov (7) : le peintre et ses modèles


Iouri Annenkov - Autoportrait, ca 1930
Bronze
Musée d'art moderne de Moscou







Iouri Annenkov - Portrait d'Elena Annenkova, femme de l'artiste, 1917







Iouri Annenkov - Portrait de V. Motyleva, 1920









Iouri Annenkov - Portrait d’une inconnue en vert (Marie Erikovna Pistolkors ?) sur fond de Tour Eiffel  
Musée des Beaux-Arts d’Arkhangelsk

10/01/2017

Une semaine Annenkov (6) : nous n’avons pas encore résolu le problème du bonheur d’une façon tout à fait précise


Iouri Annenkov - Portrait d'Evguéni Zamiatine, 1921
Via The Charnel-House




En 1920, Evgueni Zamiatine fut circuler le manuscrit d'un livre. Ce livre fut publié en Russie soixante-huit ans plus tard.



Les Tables... Collés sur le mur de ma chambre, leurs chiffres pourpres sur fond or me regardent d’un air à la fois sévère et tendre. Ils me rappellent malgré moi ce qu’autrefois on appelait l’« icône » et me donnent envie de composer des vers, ou des prières, ce qui revient au même. Ah ! que ne suis-je poète pour vous chanter comme vous le méritez, ô Tables, cœur et pouls de l’État Unique !

Nous tous, et peut-être vous aussi, avons lu, étant enfants, à l’école, le plus grand de tous les monuments littéraires anciens parvenus jusqu’à nous: l’« Indicateur des Chemins de Fer ». Mettez-le à côté des Tables et vous aurez le graphite et le diamant. Tous deux sont constitués de la même matière, de carbone, mais comme le diamant est transparent et éternel ! Comme il brille ! Quel est celui qui ne perd la respiration en parcourant les pages de l’« Indicateur » ? Eh bien, les Tables des Heures, elles, ont fait de chacun de nous un héros épique à six roues d’acier. Tous les matins, avec une exactitude de machines, à la même heure et à la même minute, nous, des millions, nous nous levons comme un seul numéro. À la même heure et à la même minute, nous, des millions à la fois, nous commençons notre travail et le finissons avec le même ensemble. Fondus en un seul corps aux millions de mains, nous portons la cuiller à la bouche à la seconde fixée par les Tables ; tous, au même instant, nous allons nous promener, nous nous rendons à l’auditorium, à la salle des exercices de Taylor, nous nous abandonnons au sommeil...

Je serai franc : nous n’avons pas encore résolu le problème du bonheur d’une façon tout à fait précise. Deux fois par jour, aux heures fixées par les Tables, de seize à dix-sept heures et de vingt et une à vingt-deux heures, notre puissant et unique organisme se divise en cellules séparées. Ce sont les Heures Personnelles. À ces heures, certains ont baissé sagement les rideaux de leurs chambres, d’autres parcourent posément le boulevard en marchant au rythme des cuivres, d’autres encore sont assis à leur table, comme moi actuellement.

On me traitera peut-être d’idéaliste et de fantaisiste, mais j’ai la conviction profonde que, tôt ou tard, nous trouverons place aussi pour ces heures dans le tableau général, et qu’un jour, les 86 400 secondes entreront dans les Tables des Heures.

J’ai eu l’occasion de lire et d’entendre beaucoup d’histoires incroyables sur les temps où les hommes vivaient encore en liberté, c’est-à-dire dans un état inorganisé et sauvage. Ce qui m’a toujours paru le plus invraisemblable est ceci : comment le gouvernement d’alors, tout primitif qu’il ait été, a-t-il pu permettre aux gens de vivre sans une règle analogue à nos Tables, sans promenades obligatoires, sans avoir fixé d’heures exactes pour les repos ! On se levait et on se couchait quand l’envie vous en prenait, et quelques historiens prétendent même que les rues étaient éclairées toute la nuit et que toute la nuit on y circulait.

Evguéni Zamiatine - Мы / Nous autres, 1920, Note 3
Trad. française par B. Cauvet-Duhamel
Source




C''est de Nous autres, on le sait, que George Orwell  s'est inspiré pour écrire 1984 - il a même emprunté à Zamiatine une bonne partie de la trame de son roman. Nous autres, écrit en 20, est traduit en anglais en 24, et cette même année la publication du roman en Russie est interdite. La traduction tchèque paraît en 27, et immédiatement après  une revue pragoise en publie en russe des extraits - traduits du tchèque (1)... C'est à la suite de cette publication, mais deux ans plus tard, que Zamiatine est attaqué et exclu en 29 de la direction de l'Union des écrivains, qui condamne publiquement son roman. Il ne peut désormais plus publier que des traductions. Il écrit à Staline pour demander d'être autorisé à émigrer. Gorki le soutient. Il peut enfin quitter l'URSS en 31.

Zamiatine, en-dehors de sa propre production, a joué un rôle, à travers son activité de formation littéraire à la Maison de Arts de Pétrograd, dans la formation du groupe des Frères de Sérapion.

Et, il faut le rappeler, Zamiatine était un bolchevik d'avant la révolution, plusieurs fois condamné et exilé sous le tsarisme. Il s'était ensuite rapproché de l'aile gauche des socialistes-révolutionnaires. En 1919, les S-R de gauche deviennent la cible des persécutions. Zamiatine est interrogé : "Regrettez-vous d’avoir quitté et souhaitez-vous réintégrer le Parti bolchevique ?", Réponse : "Non".

D'abord réfugié à Berlin, Evguéni Zamiatine est mort à Paris en 1937.

On trouvera ici (en français) et là (en anglais) deux biographies. 



(1) D'après ce que dit Zamiatine dans sa lettre à la Literatournaïa Gazeta du 7 octobre 1929, reproduite par Annenkov, Souvenirs de mes rencontres, pp. 322-326. L'intérêt de ces Souvenirs tient aussi au fait qu'ils reproduisent intégralement des documents d'époque aujourd'hui oubliés, et le plus souvent non traduits du russe.