29/06/2015

Lectures d'été : chaleur sur la ville


Dan Georgakas & Marvin Surkin - Detroit, I do mind dying, a study in urban revolution
1st edition : St. Martin's Press, 1975
2nd edition : South End Press, 1998
Couverture : Beth Fortune, photographie extraite de : Stewart Bird, Rene Lichtman & Peter Gessner, produced in Association with the League of Revolutionary Black Workers - Finally got the news, 1970



Dans la série : lectures d'été. Avec une petite quarantaine d'années de retard, un éditeur français (Agone) publie la traduction de Detroit I do mind dying, devenu depuis un classique de l'histoire noire / ouvrière / urbaine états-unienne.

L'auteur : Dan Georgakas, poète, historien, critique cinématographique, spécialiste de la diaspora hellénique  aux Etats-Unis, fit partie des fondateurs de Black Mask / Up against the wall motherfucker (1) et des Creative Vandalists. C'est aussi un historien et mémorialiste de l'ancien Detroit : voir par exemple ici ou .

Le sujet noir : La League of Revolutionary Black Workers (LRBW) naît en juin 1969 et se sépare en juin 1971 (2). C'est, avec le BPP, une des grandes expériences de mouvement révolutionnaire noir états-unien.

Le sujet ouvrier : la spécificité de la LRBW, ce qui la différencie hautement du BPP par exemple, est d'être issue de comités de base noirs des usines automobiles de Detroit, les RUM (Revolutionary Union Movements). Le premier RUM, le Dodge Revolutionary Union Movement, DRUM, apparaît en Juin 1969 à l'usine Chrysler (anciennement Dodge) de Hamtrack. Il y déclenche une grève sauvage suivie par 4000 ouvriers et se présente comme une alternative au syndicat UAW dirigé par des ouvriers blancs polonais dans une usine à 70% noire. Les RUM font ensuite traînée de poudre dans les autres usines de Detroit : Ford de River Rouge (FRUM), Chrysler Eldon (ELRUM), Cadillac (CADRUM), Mount Road Engine (MERUM), Dodge Truck (DRUM II) etc... ainsi que dans d'autres professions : hospitaliers (HRUM), travailleurs de la presse du Detroit News (NEWRUM) et chauffeurs/livreurs d'UPS (UPRUM)... La LRBW apparaît ensuite comme coordination de ces différents comités de base, avec une équipe stable de quelque 80 militants. A partir de sa pratique, elle fait l'analyse de la condition du travailleur noir face à une triple domination - patronat de l'automobile, pouvoir politique (police, justice, municipalité), syndicalisme "majoritaire" de bureaucrates blancs.

Le sujet urbain : le développement de la LRBW est inséparable du mouvement de la ville-Detroit, la liste des RUM, en elle-même, en constitue la psychogéographie ouvrière. Les DRUM naissent deux ans à peine après la révolte (Great rebellion) de Juillet 67 - entre les deux dates se développe un journal indépendant, l'Inner City Voice, qui se veut une continuation par d'autres moyens de la Rebellion, et qui sera un des porte-voix de la LRBW. Au même moment, John Watson transforme pour un temps le South End, journal de l'Université Wayne, en feuille révolutionnaire distribuée aux ouvriers. Au même moment encore les ouvriers chantent Please Mr. Foreman, écrit par un bluesman en 1965 quand il travaillait à la chaîne à la Ford de River Rouge.


Joe L. Carter- Please Mr Foreman, 1965 
Mis en ligne par Madeline Burke



Please Mr. Foreman... Slow down your assembly line
Please Mr. Foreman... Slow down your assembly line
You know I don't mind workin'
But I do mind dyin'

S'il vous plaît, monsieur le contremaître... ralentissez votre chaîne de montage
Vous savez que je suis d'accord pour travailler 
Mais je  ne suis pas d'accord pour mourir

My wife is very sickly... you know she can't help me by taken on a job
My wife is very sickly... you know she can't help me by taken on a job
And we got five little children to feed
Lord why do you want to make my life so hard

Working 12 hours a day
Seven long days a week
I lay down and try to rest
But I'm too tired to sleep

Please Mr. Foreman... why don't you slow down your assembly line
Lord you can look at me and see I don't mind workin'
Lord knows I do mind dyin'

Mr. Foreman Mr. Foreman why don't you slow down your assembly line
Yes my wife is very sickly
Whoa I can't feed my five little children when I come home
Yes every week I bring my paycheck home
Lord you know I catch a bus every day I do



C'est aussi le moment où le blues est remplacé par le Motown Sound (3), et où Detroit devient pour des années le moteur musical du pays...



Martha Reeves and The Vandellas - Nowhere to run, 1965 
Mis en ligne par PocketMoneyGPT)



...l'époque aussi où les cinéastes radicaux de newsreel viennent filmer la LRBW à Detroit...




Stewart Bird, Rene Lichtman & Peter Gessner, produced in Association with the League of Revolutionary Black Workers - Finally got the news, 1970
Mis en ligne par Radical Documentaries



...l'époque enfin où les échanges entre DPD (Detroit Police Department) et militants noirs (ou noirs tout court, la différence étant peu flagrante aux yeux d'un policier) deviennent de plus en plus violents - le fait le plus marquant étant le New Bethel Incident de 1969. Au point que le DPD décide en 1971 de constituer une unité secrète baptisée STRESS (Stop The Robberies, enjoy Safe Streets) et spécialisée dans les provocations : un policier venant jouer la "victime idéale" dans un quartier bien choisi et les autres attendant qu'il soit pris à partie : tactique propice à tous les dérapages, et qui propulsa immédiatement Detroit à la première place des villes états-uniennes pour le ratio civils tués / nombre de policiers : 7,17 pour 1000 en 71, loin devant Houston : 5, Baltimore : 2,93, Chicago, New York et Philadelphie - enjoy, comme ils disaient. Tout cela vous rappelle peut-être quelque chose de peu nouveau sous le soleil. 





Le reste, vous pourrez le lire dans le livre de Georgakas et Surkin, on le trouvera en français ici et en anglais  chez Haymarket - South End Press, l'éditeur de Zinn et Chomsky - rien que ça - ayant fermé ses portes, mon exemplaire va bientôt devenir un collector... Pour les fauchés de chez fauché, la première édition en anglais est ici.

On peut voir une présentation en français de l'ouvrage ici sur Youtube. Et lire un assez long extrait là chez Terrains de lutte.

Côté musique, je ne peux que recommander le bouquin de Suzanne E. Smith, Dancing in the street, Motown and the cultural politics of Detroit, et évidemment celui de Pierre Evil, Detroit Sampler. Pourquoi le gars qui a écrit ça rédige en même temps les discours de François Hollande, ça reste un mystère pour moi...

Et quelques chansons pleines de sens ici. Ou .




(1) Une légende urbaine veut que cette charmante interpellation ait été reprise dans les paroles d'une chanson du Jefferson Airplane avec une bonne partie d'un tract des Motherfuckers. Mais les légendes urbaines disent parfois la vérité - sgdc (4).

(2) Suite à un violent débat interne opposant, en gros, sa composante "ouvrière" (ouvriériste, selon ses adversaires) et sa composante "politiste" (petite-bourgeoise et pro-blanche, vue de l'autre camp) initiatrice du Black Workers Congress, mouvement national mort-né. Après 71, une survivance de la LRBW est en fait prise en main par une organisation maoïste états-unienne, la Communist League, alors que la première LRBW était une organisation plus ouverte, coordination d'organisations de base (grass-root). Voir Detroit I do mind Dying,  2nd edition 1998, pp. 133-135 & pp. 147-150.

(3) Motown (Motor town) records est fondé à Detroit en 1959 par Berry Gordy, ancien boxeur et fils d'un ouvrier de l'automobile.

(4) Sans garantie des chats.

26/06/2015

Duos : kind of


Stan Barstow - A kind of loving, 1960
Penguin books ed.



Barstow, fils de mineur devenu dessinateur industriel, fait partie de cette génération littéraire qu'on regroupe sous l'appellation un peu fourre-tout d'angry young men, et qu'on regrettait déjà vingt ans plus tard.



Where are all the angry young men now?
Where are all the angry young men now?
Barstow and Osborne, Waterhouse and Sillitoe,
Where on earth did they all go?
And where are all the protest songs?
Yes, where have all the angry young men gone.
The Kinks - Where are they now ? 1973 




Barstow, comme John Braine et Alan Sillitoe, fait partie des young men tout droit issus de la classe ouvrière - père mineur, lui-même devenu dessinateur industriel, il se met à écrire en 51 et met neuf ans à se faire connaître avec Kind of loving, son premier roman, éducation sentimentale douce-amère d'un jeune lad du Yorkshire coincé entre désir sexuel, soif de liberté et honnêteté envers lui-même et les autres. A kind of loving a eu le rang d'un classique, étudié dans les écoles anglaises - aujourd'hui il paraîtra peut-être daté à ceux qui pensent que la révolution sexuelle (et sociale) est derrière nous, ce qui n'est pas si sûr.

En 62 John Schlesinger et Keith Waterhouse (autre angry) en firent un film grâce à Joseph Janni, un des producteurs qui firent la British New Wave (1). C'était le moment même où le cinéma entrait pour la première fois dans de vrais pubs, montait dans de vrais bus et parlait dans l'anglais des gens.




John Schlesinger - Kind of loving, 1962
Mis en ligne par Video Detective



On peut voir le film de Schlesinger en entier et en anglais sans sous-titres ici (2). Et se le procurer avec tradoche, . Il existe, notez-le, une série télévisée qui reprend l'ensemble de la trilogie dont A kind of loving constitue le premier volet. On trouvera par ici une étude intéressante sur la British New Wave. A kind of loving, le roman, n'a pas été traduit en français, on le trouve assez facilement en anglais pour une somme modique. Et le bus est .



Sur ce l'œil des chats, profitant de la chaleur pour réduire le temps de travail, va se faire irrégulier voire sporadique, si ce n'est carrément imprévisible et pour tout dire complètement paresseux, cela jusqu'à la fin du mois de Septembre. Bon été et prenez soin de vous.



(1) Qui a finalement peu de choses en commun avec notre Nouvelle Vague, comme en littérature d'ailleurs : cherchez dans la même génération française des écrivains d'origine ouvrière du calibre et ayant l'écho d'un Sillitoe ? Meckert ? Il est né en 1910. Franchement, dans cette classe d'âge je ne trouve que Claire Etcherelli (et Albertine Sarrazin, la prison vaut bien l'usine). Mon vieux pays - sauvé par les femmes.

(2) En accéléré pour le son, oui, c'est affreux.

25/06/2015

Ronde de nuit : avis aux riverains du Panthéon


Alain Cornu - Toit, de la série Sur Paris
© Alain Cornu
Source



Exposition Sur Paris par Alain Cornu, du 7 mai au 24 juillet 2015, le Salon du Panthéon, 13 rue Victor Cousin 75005 Paris. Voir le site du photographe.


24/06/2015

La forme d'une ville : avis aux riverains de l'Orb


Ernest Pignon-Ernest - Les expulsés, 1979
Via Laboratoire urbanisme insurrectionnel




Du 19 juin au 20 septembre 2015, rétrospective de l'œuvre d'Ernest Pignon-Ernest, de 1970 à nos jours : Espace d'Art contemporain de Bédarieux, en collaboration avec la galerie Paul Lelong.

Cette photo des expulsés illustre par ailleurs l'instructive brochure 1944-2014, 70 ans d'habitat public en France, aux bons soins du Laboratoire urbanisme insurrectionnel. Et aussi. Et le site d'Ernest Pignon-Ernest.


23/06/2015

Ciel... Heorhiy Narbut


Heorhiy Narbut - Paysage avec une comète, 1910
Source

22/06/2015

Ronde de nuit : cuisine fantôme


Bien après minuit
Paroles d'Albertine Sarrasin, musique d'Alain Poirier
Albertine Sarrazin : Chansons et poèmes
interprétés par Myriam Anissimov, Polydor, 1969
Mis en ligne par discoPhilippe



Bien avant d'écrire les biographies d'auteurs tout à fait estimables, Myriam Anissimov a chanté les poèmes  d'Albertine Sarrazin. Ce sont des poèmes de prison.




Lire les poèmes prisonniers d'Albertine Sarrazin (entre autres) sur le site de Bruno des Baumettes

Lire (en anglais) le point de vue de Patti Smith : Sainte Albertine du stylo bic et de l'interminable crayon sourcil.





21/06/2015

L'art au travail : pires que les évêques


Francis Poulenc - Les tisserands (des Huit chansons françaises), 1946 - The Cambridge singers
Mis en ligne par margotlorena2









Et pendant ce temps-là...

20/06/2015

Je tiens absolument à cette virgule - il portait un fusil à deux coups


Charles Baudelaire - Les fleurs du mal, épreuves d’imprimerie de la première édition, corrigées de la main de l'auteur, 1857, p. 6, Au lecteur
Source : Gallica


Charles Baudelaire (?) - Autoportrait, 1848 ?
Crayon rehaussé au carmin
Via Les Mauvaises fréquentations



Autoportrait donc, si l'on considère s'il s'agit là du fameux dessin qui servit de modèle à l'eau-forte de Bracquemond, et que ce dernier attribue à Baudelaire lui-même en le datant de 1848. Rien n'empêche d'imaginer là l'apprenti-barricadier du 24 février, en paletot sac et cravate rouge, venant de piller une armurerie au carrefour de Buci...

...il portait un beau fusil à deux coups luisant et vierge, et une superbe cartouchière de cuir jaune tout aussi immaculée; je le hélai, il vint à moi simulant une grande animation: "Je viens de faire le coup de fusil !" me dit-il. Et comme je souriais, regardant son artillerie tout brillant neuve - "Pas pour la République, par exemple !" - Il ne me répondait pas, criait beaucoup, et toujours son refrain : il fallait aller fusiller le général Aupick (1).


Le dessin a été retrouvé en 2011 dans les dossiers du sculpteur Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume (1816-1892) qui le tenait peut-être d'Honoré Daumier (2). Peu de temps avant cette découverte, la BnF avait mis en ligne les épreuves corrigées de la première édition des Fleurs par Poulet-Malassis.




(1) Souvenirs de Jules Buisson, cités par Eugène Crépet, Charles Baudelaire, 1906, pp. 78-79.

(2) On peut en lire l'histoire en détail sur le blog de Thierry Savatier.







19/06/2015

Ciel... le vendredi, c'est Hasui


Kawase Hasui - Plage d'Iso, préfecture d'Ibaraki, 1949
Gravure sur bois, Brown #530
Via abbysasaki




Et pendant ce temps-là...

18/06/2015

Les intérieurs sont habités : Giorgio de Chirico


Giorgio de Chirico - Thèbes, 1928
Via colin-vian



Trois villes, cent portes (mais ailleurs), ou sept (au bon endroit), mais sûrement sept ennemis - et pourtant, un(e) seul(e) sphinx. Tout ça dans mon salon - le seul problème c'est la sphinx, elle est un peu farouche, il faut l'apprivoiser.

16/06/2015

L'art de la fenêtre : Popkov


Viktor Popkov - Reflet dans la fenêtre, ca 1963
Huile sur carton sur panneau de bois
Via Ana Kreysa




J'ai déjà parlé de Viktor Popkov, un des maîtres du style sévère. Un petit exposé vidéo (en anglais) lui est consacré sur le site du toujours estimable Tariq Ali. Parmi ses œuvres, qu'on peut trouver ici ou sur le réseau,  je recommande tout particulièrement ces deux classiques russes indémodables, Le tchékiste (1) et La beuverie en hiver.


(1) Si sa dénomination a changé, la substance est restée la même. Dans le tableau ci-dessus, remarquez l'oiseau en cage.

15/06/2015

Ronde de nuit : Fred Lyon



Fred Lyon - Huntington Hotel, 1958
Via Fragments of Noir


...and that's my ah-dream of San Francisco. Add fog, hunger-making raw fog, and the throb of neons in the soft night, the clack of high-heeled beauties, white doves in a Chinese grocery window...



Fred Lyon - Coit Tower, Castle Street, 1947



C'est apparemment ce qui l'a marqué à San Francisco, Kerouac : les hauts talons des filles, et la bouffe, oui la bouffe...



Fred Lyon



In the window I smelled all the food of San Francisco. There were seafood places out there where the buns were hot, and the baskets were good enough to eat too; where the menus themselves were soft with foody esculence as though dipped in hot broths and roasted dry and good enough to eat too. Just show me the bluefish spangle on a seafood menu and I'd eat it; let me smell the drawn butter and lobster claws. There were places where they specialized in thick red roast beef au jus, or roast chicken basted in wine. There were places where hamburgs sizzled on grills and the coffee was only a nickel. And oh, that pan-fried chow mein flavored air that blew into my room from Chinatown, vying with the spaghetti sauces of North Beach, the soft-shell crab of Fisherman's Wharf — nay, the ribs of Fillmore turning on spits! Throw in the Market Street chili beans, redhot, and french-fried potatoes of the Embarcadero wino night, and steamed clams from Sausalito across the bay, and that's my ah-dream of San Francisco...
Jack Kerouac - On the road




Fred Lyon - Foggy Night, Land's End, 1953



En ce qui me concerne, dit M. Chat, ce n'est pas la qualité de la bouffe qui m'a frappé. Et puis je n'y suis allé qu'une seule fois, et puis c'était il y a vingt ans. Et puis c'était dans des circonstances mi-honteuses mi-burlesques mais je peux confirmer, ce qu'il y a de mieux à San Francisco, c'est la nuit, ajoutez-y le brouillard, un brouillard brut à vous rendre affamé, et la pulsation des néons dans la nuit douce...



 
Fred Lyon
Via petapixel





Toutes photos © Fred Lyon

Des photos grand format et quelques mots de Fred Lyon sur RFOTOFOLIO. Et sur les quais de San Francisco, autour de la Coit Tower, ici, déjà.



Dixie Jazz Band (Billy James and his Orchestra) - I've Got The San Francisco Blues, 1929
Mis en ligne par Joe Marx

14/06/2015

Le greffe : Sylvia Plath


Sylvia Plath - Curious French Cat
Plume sur papier
Via The Paris Review




Écouter Sylvia Plath.

13/06/2015

Portrait craché : Kourbanov/Bartlett


Iaroslav Kourbanov - Cry
Via Sarah Allan





Bo Bartlett - Self-portrait, 1996



Et de Bo Bartlett, déjà.

12/06/2015

Société du spectacle : Friant


Émile Friant - L'entrée des clowns, 1881

De Friant déjà, ici, et encore .

11/06/2015

Le pont de l'est


Walter Steggles - Bow Bridge, s.d.
Huile sur toile
Via romanroadlondon




Walter Steggles, né en 1908 d'un père bottier et londonien, dut son éducation artistique, comme les autres membres de l'East London Group, aux cours du soir que John Cooper donnait au Bethnal Green Men's Institute, cours qu'il transféra ensuite au Bow and Bromley Evening Institute. Les peintres de l'East London Group étaient tous des artistes non professionnels, au sens où, issus de l'East End, ne venant pas de familles d'artistes, sans éducation supérieure et exerçant leur vie durant d'autres métiers pour subsister, ils restaient à part du milieu des peintres anglais de l'époque. À noter cependant qu'à travers Cooper ils furent liés épisodiquement à des artistes comme William Coldstream ou  Walter Sickert et qu'ils organisèrent plusieurs expositions bénéficiant d'une importante couverture de presse.

Le Bow Bridge peint par Steggles enjambait la rivière Lea, au cœur du quartier où vivaient et travaillaient ces artistes. Il a été remplacé en 1967 par un autre ouvrage.

On trouvera ici une biographie de Walter Steggles, ou encore là des œuvres de membres de l'East London Group, et encore ici un site dédié. Voir également l'article consacré au groupe par le toujours intéressant Spitalfields Life.


10/06/2015

Entre chien et loup : la boutique du coin


Peter Van Dyck - Corner store, dusk, 2014 
Huile sur toile
Via petervandyckart



Et pendant ce temps-là...

09/06/2015

08/06/2015

Portrait craché : Michetti


Francesco Paolo Michetti - Autoportrait, 1877 
Palazzo Zevallos Stigliano, Naples
Via The Write Side of 50

07/06/2015

Deux malédictions bleues


Paul Klee - Femme qui maudit, 1939
Via Fabienne Delapierre




René Magritte - La malédiction, 1960
Via Ωméga *

06/06/2015

L'art de l'achat et de la vente : Stanley Spencer


Stanley Spencer - The Sausage Shop / Le marchand de saucisses, 1951
Newport Museum and Art Gallery
Via it's about time

05/06/2015

Transports en commun : Tchoupiatov suite et fin


Léonide Térentiévitch Tchoupiatov - Train rapide, 1924
Via lilac2012






04/06/2015

Portrait craché : Annenkov


Iouri Annenkov - Portrait du photographe M. A. Sherling, 1918
Huile sur toile
Via avangardism



Brillent les lumières. La nuque de Rosenauer et le profil de la petite Sophie se démultiplient dans la glace.
"Quand retournes-tu en Russie ?" demande Kolenka à Chapkine.
Et Davy Chapkine de répondre, oubliant que le récit est encore entrouvert :
"Je suis au-dessus des soviets."

(Les dernières lignes de) Iouri Annenkov - Повесть о пустяках  / Histoires de rien, 1934
publié sous le titre La révolution derrière la porte, traduit du russe par Anne Coldefy-Faucard, Quai Voltaire éd. 1994

Et, à propos de Iouri Annenkov, déjà.

03/06/2015

Duos : Baranov-Rossiné


Vladimir Baranov-Rossiné - Rythme, 1913 
Zinc, huile et gouache sur montants de bois 
Collection Vladimir Tsarenkov, Londres
Via St Petersburg Gallery




Vladimir Baranov naît Shulim Wolf Leib Baranov en 1888 dans le village de Bolchaïa Lepatikha (ou Lepetykha) au bord du Dniepr et non loin de Kherson en Tauride. Son père est un marchand juif qu'on imagine prospère puisque le jeune Vladimir peut partir étudier les beaux-arts, d'abord à Odessa puis à l'académie impériale de Saint-Pétersbourg - d'où il est exclu en 1909 pour absentéisme. 

Baranov est de la génération artistique des cubo-futuristes : Bourliouk, Alexandra Exter, Natalia Gontcharova, Tatline, Larionov, Malévitch. Comme eux il abandonne rapidement impressionnisme et pointillisme pour ce qu'on a appelé le cézannisme géométrique. Il expose dès 1907 et, en 1910, s'installe à Paris - à la Ruche. Il rencontre Robert et Sonia Delaunay (Sonia Terk, elle aussi ukrainienne) avec lesquels il restera lié jusqu'à sa mort. En France, il prend le pseudonyme de Daniel Rossiné.

Entre 1913 et 1915, Baranov produit une série de sculptures dites polytechniques, en métal polychrome, bois, carton... où il se montre précurseur du dadaïsme - l'une d'elles, Symphonie n°2, provoquera tant de sarcasmes qu'il ira la jeter dans la Seine. Seulement cinq de ces sculptures ont survécu, dont lSymphonie n°1, actuellement dans les réserves du MOMA, et Rythme que l'on peut voir ci-dessus (1).




Vladimir Baranov-Rossiné - Autoportrait, 1913


De retour en Russie en 1917, immédiatement après la révolution de février, il prend part à l'effervescence artistique des années 18-24 et enseigne notamment au Vkhutemas. Il émigre en France en 1925 quand les avant-gardes artistiques commencent à être marginalisées avant d'être stigmatisées (2).

Baranov-Rossiné était un inventeur - il est crédité d'un procédé de camouflage (3), d'un dispositif de production de boissons gazeuses et surtout du piano optophonique permettant, grâce à un clavier actionnant une série de disques de verre coloré associés à une source lumineuse, de jouer avec la lumière.



Le piano optophonique de Vladimir Baranov-Rossiné
Mis en ligne par The elusive FACS machine!


Baranov-Rossiné échappa aux dangers de son siècle, une première fois en se réfugiant en Norvège de 1914 à 1917, et une seconde fois, donc, en fuyant préventivement la stalinisation de l'art soviétique. Mais pas la troisième fois, quand il décida de rester en France en 1940 - arrêté en 1943, il est très certainement mort en Vernichtungslager, probablement en 1944, peut-être à Auschwitz. Ayez une pensée pour l'homme aux statues de bois, de zinc, de carton et de coquilles d'œuf pilées, l'homme qui jouait de la lumière.




Vladimir Baranov-Rossiné - Autoportrait

(1) Voir également ici et là (dans les deux cas courtesy of St Petersburg Gallery, London). La Sculpture polytechnique du Centre Pompidou est datée de 1929.

(2) Rappelons les dates-clés : 1926, Malévitch est évincé de la direction du Ginkhuk, et ce dernier est liquidé; 1927 : normalisation du Vkhutemas. Alexandra Exter part pour la France à peu de chose près en même temps que Baranov-Rossiné. 

(3) D'aucuns attribuent au cubo-futurisme une influence sur les méthodes de camouflage militaire et naval dans les deux conflits mondiaux... Cependant, sur cette question et a contrario, voir l'intéressant article de Patrick Peccatte.