21/08/2009

Poésie illustrée : le hareng saur et le hareng folk



Anders Zorn - Coquelin cadet, 1889


Le Hareng saur

Criez Le Hareng saur d'une voix forte. Ne bougez pas le corps, soyez d'une immobilité absolue. En disant ce titre, il faut que le public ait le sentiment d'une ligne noire se détachant sur un fond blanc.

Il était un grand mur blanc — nu, nu, nu,

Qu'on sente le mur droit, rigide, et comme il serait ennuyeux aussi monotone que cela, rompez la monotonie : allongez le son au troisième nu, cela agrandit le mur, et en donne presque la dimension à ceux qui vous écoutent.

Contre le mur une échelle — haute, haute, haute,

Même intention et même intonation que pour la première ligne, et pour donner l'idée d'une échelle bien haute, envoyez en voix de fausset (note absolument imprévue) le dernier mot haute, ceci fera rire et vous serez en règle avec la fantaisie.

Et, par terre, un hareng saur — sec, sec, sec.

Indiquez du doigt la terre, et dites hareng saur sec avec une physionomie pauvre qui appelle l'intérêt sur ce malheureux hareng, la voix sera naturellement très sèche pour dire les trois adjectifs sec, sec, sec.

Il vient, tenant dans ses mains — sales, sales, sales,

Soutenez la voix et qu'on sente le rythme dans les autres strophes comme dans la première. Il c'est le personnage, on ne sait pas qui c'est Il. Qu'on le voie, montrez-le, cet Il qui vous émeut, vous acteur, et peignez le dégoût qu'inspire un homme qui ne se lave jamais les mains en disant sales, sales, sales.

Un marteau lourd, un grand clou — pointu, pointu, pointu,

Baissez une épaule comme si vous portiez un marteau trop lourd pour vous, et montrez le clou, en dirigeant l'index vers les spectateurs et appuyez bien sur pointu, pointu, pointu pour que le clou entre bien dans l'attention générale.

Un peloton de ficelle — gros, gros, gros.

Écartez les mains, éloignez-les des hanches par degré à chaque gros, gros, gros. Il est chargé, un marteau lourd, un grand clou pointu, et un énorme peleton, ce n'est pas peu de chose, il faut montrer cette charge sous laquelle ploie le pauvre Il.

Alors il monte à l'échelle — haute, haute, haute,

Même jeu pour les haute que précédemment, la note aiguë à la fin, cette insistance peut faire rire.

Et plante le clou pointu — toc, toc, toc,

Gestes d'un homme qui enfonce un clou avec un marteau, faire résonner les toc avec force, sans changer le son.

Tout en haut du grand mur blanc — nu, nu, nu.

Gardez le ton de voix très solide, allongez de nouveau le dernier nu, et faites un geste plat de la main pour montrer l'égalité du mur.


Il laisse aller le marteau — qui tombe, qui tombe, qui tombe,

Baissez le diapason par degré pour donner l'idée d'un marteau qui tombe. Vous regardez le public au premier qui tombe, aussi au second vous envoyez un regard par terre avant le troisième, et un autre regard au public en disant le troisième qui tombe et attendez l'effet qui doit se produire.


Attache au clou la ficelle — longue, longue, longue,

Allongez par degré le son sur longue, et que le dernier longue soit d'une longueur immense, un couac au milieu de l'intonation finale donnera un ragoût très comique au mot.

Et, au bout, le hareng saur — sec, sec, sec.

Appuyez d'un air de plus en plus piteux sur le troisième sec.

Il redescend de l'échelle — haute, haute, haute,

Même jeu que précédemment quand il monte, seulement l'inflexion des mots haute va decrescendo, le premier en voix de fausset, le second en médium, et le troisième en grave. Musical.

L'emporte avec le marteau — lourd, lourd, lourd,

Pliez sous le faix en vous en allant. Vous êtes brisé, vous n'en pouvez plus, ce marteau est très lourd, ne l'oubliez pas.

Et puis, il s'en va ailleurs — loin, loin, loin.

Graduez les loin, au troisième vous pourrez mettre votre main comme un auvent sur vos yeux pour voir Il à une distance considérable, et après l'avoir aperçu là-bas, là-bas, vous direz le dernier loin.




Et, depuis, le hareng saur — sec, sec, sec,

De plus en plus pitoyable.

Au bout de cette ficelle — longue, longue, longue,

Allongez d'un air très mélancolique la voix sur les longue, toujours avec couac ; ne craignez pas, c'est une scie.

Très lentement se balance — toujours, toujours, toujours.

Bien triste. Et geste d'escarpolette à toujours, toujours, toujours. Terminez bien en baissant la voix le troisième toujours, car le récit est fini. La dernière strophe n'est pour l'auditoire qu'un consolant post-scriptum.

J'ai composé cette histoire — simple, simple, simple,

Appuyez sur simple, pour faire dire au public : « Oh ! oui ! simple ! »

Pour mettre en fureur les gens — graves, graves, graves,

Très compassé; qu'on sente les hautes cravates blanches officielles qui n'aiment pas ce genre de plaisanterie. Ouvrez démesurément la bouche au troisième grave, comme un M. Prudhomme très offensé.

Et amuser les enfants — petits, petits, petits.

Très gentiment avec un sourire, baissez graduellement la main à chaque petits pour indiquer la hauteur et l'âge des enfants. Saluez et sortez vite.


Le Hareng saur de Charles Cros avec des conseils sur l'art de le dire, par Coquelin cadet, in : Coquelin aîné et Coquelin cadet, L'Art de dire le monologue, Paul Ollendorff, Paris, 1884.





Charles Cros - Le hareng saur, par David Gautier
Mis en ligne par dongautier




Ewan Mc Coll : The Shoals of herring - Les bancs de harengs, trad. anglais
Mis en ligne par nicdavdi


O, it was a fine and a pleasant day
Out of Yarmouth harbour I was faring
As a cabin boy on a sailing lugger
For to go and hunt the shoals of herring

O, the work was hard and the hours were long
And the treatment sure it took some bearing
There was little kindness and the kicks were many
As we hunted for the shoals of herring

O, we fished the Swarth and the Broken Bank
I was a cook and I'd a quarter-sharing
And I used to sleep, standing on me feet
And I'd dream about the shoals of herring

O, we left the home grounds in the month of June
And to canny Shiels we soon was bearing
With a hundred cran of the silver darlings
That we'd taken from the shoals of herring

Now you're up on deck, you're a fisherman
You can swear and show a manly bearing
Take your turn on watch with the other fellows
While you're searching for the shoals of herring

In the stormy seas and the living gales
Just to earn your daily bread you're daring
From the Dover Straits to the Faroe Islands
As you're following the shoals of herring

O, I earned me keep and I paid me way
And I earned the gear that I was wearing
Sailed a million miles, caught ten-million fishes
We were sailing after shoals of herring

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