31/05/2009

Les deux tentations de l'autoportrait : Dolci/Rosa



Carlo Dolci - Autoportrait, 1674



Salvator Rosa -
"Tais-toi - sinon, que tes paroles vaillent mieux que le silence" Autoportrait, 1640

22/05/2009

Société du spectacle: histoire des deux danseuses et des deux châteaux



Thomas Gainsborough - Giovanna Baccelli, 1782


Antoine Pesne - La Danseuse Barbara Campanini, dite Barbarina, ca 1745



Rameau - Les Indes galantes - Acte 3, Ballet des fleurs
Orchestre Jean-François Paillard



Giovanna Baccelli est née à Venise autour de 1753 dans une famille d'acteurs itinérants, mais on sait peu de choses de sa carrière de danseuse avant qu'elle se produise en 1774 à Londres, dans un ballet-divertissement tiré des Indes galantes de Rameau. Cinq ans plus tard John Frederick Sackville, 3ème duc de Dorset et ancêtre de Vita Sackville-West, tombe amoureux fou d'elle. Avec des hauts et des bas, cette liaison dura dix ans et fut suffisamment forte pour que le duc l'installât chez lui à Knole House - il parvint même, paraît-il, à l'intéresser au jeu de cricket dont il était un fervent adepte.

Elle eut le privilège de faire faire son portrait non seulement par Gainsborough mais aussi par Joshua Reynolds - et sa statue, qu'on peut encore voir à Knole...


Mis en ligne par 柯鳥 Mei ko sous licence Creative Commons

...par Locatelli.

Pour sa part Gainsborough l'a représentée dans l'attitude et le costume correspondant au ballet Les amants surpris, qu'elle exécuta au King's theatre de Haymarket pendant la saison 1780-81.

Quand le duc de Dorset fut nommé en 1783 ambassadeur d'Angleterre à Paris elle en profita pour y danser à l'Opéra pendant la saison 1782, comme ballerine invitée. C'est la révolution française qui ramena le duc en Angleterre, et ce qu'il en vit le jeta, dit-on, dans un profond état de dépression et de mélancolie dont seule la gaîté de la Baccelli pouvait le distraire - pas suffisamment pourtant puisqu'il finit par décider de racheter sa conduite et de refaire sa fortune en épousant une riche héritière. Conformément aux habitudes de l'époque il fit une pension annuelle de 400£ à Baccelli et celle-ci, de son côté, s'en alla vivre avec Henry Herbert, dixième comte de Pembroke. Après la mort de ce dernier en 1794, elle épousa un certain Mr James Carey... Elle mourut en 1801.



Barbara Campanini, dite La Barbarina, nacquit à Parme en 1721, dansa dans sa ville natale au Teatro Farnese, puis en 1739 à l'Opéra de Paris où Victor-Amédée de Carignan, prince du sang de Savoie, l'installa richement rue Vivienne. Elle était alors la plus grande danseuse de l'époque, réputée pour ses entrechats-huit - ceux où l'on croise les pieds quatre fois durant le saut.

On la retrouve ensuite à partir de 1740 au Covent Garden de Londres, où c'est le coup de foudre mutuel avec
le jeune lord James Stuart Mackenzie. Enfin elle est engagée par le roi Frédéric II de Prusse pour les représentations inaugurales du nouvel Opéra de Berlin. Mais entretemps Stuart Mackenzie l'a accompagnée à Venise où elle danse pour le Carnaval de 1744 au Teatro di San Gionanni Crisostomo (l'actuel Teatro Malibran). C'est probablement à ce moment que Rosalba Carriera, la grande pastelliste de l'ère rococo, exécute - ou fait exécuter par ses aides - les deux portraits fort semblables qu'on peut voir à Londres et à Dresde.


Rosalba Carriera - Portrait de Barbara Campanini


Mais un contrat est un contrat, surtout avec le roi de Prusse. Or James n'a aucune envie de suivre Barbara dans les brumes du nord, et elle tente par tous les moyens de rompre son engagement berlinois. Mauvaise idée : le Sénat de Venise, sur intervention de Frédéric, fait arrêter la Barbarina et l'expédie sous escorte chez son royal client... A l'étape de Goritz, auberge de l'Aigle noir, Stuart Mackenzie tente un coup de main pour la libérer, mais il échoue; il la suit à la trace mais se voit interdire l'entrée en Prusse. Tout ce romanesque et cette publicité vaudront évidemment à la Barbarina un succès monstre à Berlin où on lui prêtera même par la suite une liaison avec le roi. C'est à ce moment qu'Antoine Pesne fait son portrait.

Puis un jour Charles-Louis de Corcejii, fils du grand chancelier, s'éprend lui aussi d'elle et lui demande de l'épouser - occasion qu'en ces temps-là une danseuse vagabonde rencontrait trop rarement pour ne pas la prendre en considération. Scandale familial, Frédéric II fait quitter Berlin à la danseuse et emprisonne au château d'Alt Landsberg le godelureau qui une fois libéré n'aura évidemment qu'une hâte, celle d'épouser sa ballerine en secret. Frédéric, cédant aux prières de la Barbarina, valide le mariage que la famille Coccejii voulait faire annuler, et nomme le jeune époux à Glogau, sinistre trou du fond de la Silésie. La Barbarina l'y suit, finit par s'avouer au bout de quelques années qu'elle ne supporte pas ce mari qu'elle n'a pas épousé par amour, et divorce. Elle achète de ses deniers le château de Berschau pour y finir sa vie comme comtesse de Campanini, se consacrant aux oeuvres pieuses. Elle meurt en 1799.


Pour les avoir tirées de l'oubli, grâce soit rendue au Siefar et à Karen Eliot.

L'art de la cuisine : Sahleb

Ludwig Deutsch - Marchand de Sahleb au Caire, 1886



Moitié sucre, moitié farine de sorgho - délayer le sorgho à l'eau, passer au tamis fin, ajouter le sucre, puis mettre à feu doux jusqu'à obtenir de la crème - servir chaud dans des bols de porcelaine, saupoudrer de gingembre : Sahleb.

19/05/2009

The cat's meow : Ballad of accounting



Ewan McColl & Peggy Seeger - Ballad of accounting
Mis en ligne par
megatherium01


Jimmie Miller, dit Ewan McColl, écrivit en 1964 cette Ballad of accounting (La ballade du bilan) à la manière de Brecht et de Kurt Weill, rare incursion moderniste dans son travail de compositeur et de parolier d'ordinaire marqué au coin de la ballade traditionnelle.

Ewan McColl : naissance à Salford, Lancashire en 1915, père métallo et mère femme de ménage, arrête l'école à 14 ans, chanteur de rues, les Jeunesses Communistes en 29 puis le PC britannique. Le chômage, les marches de la faim, la rédaction et la distribution des feuilles de boîte du CPGB dans les usines de Manchester... Il anime dans sa ville natale une troupe de théâtre d'agit-prop, les
Red Megaphones (en référence à leur modèle allemand, Das Rote Sprachor).
Après la guerre il sera le dramaturge du Theatre Workshop, mais dès 1934 il avait été remarqué par un talent scout de la BBC qui l'avait entendu chanter dans la rue - le reste de sa vie sera ponctué de travaux pour la Beeb, d'abord épisodiques puis réguliers à partir de 1958 où il produira avec Peggy Seeger les radio ballads, série d'émission qui entrelaçaient, d'une façon très nouvelle pour la radio de l'époque, les chants du patrimoine folk et les récits de vie de working class people jeunes et vieux (1), comme ceci :





Extrait de On the edge - I've always kept a diary
sixième émission de la série diffusée le 13 février 63
:
être adolescent en 62 dans la classe ouvrière anglaise, ça fait quoi ?
Entrecoupés de Quest Ballads, des interviews dans les bars, les dancings, les salles de classe "
le problème n'était pas de les faire parler, mais de les arrêter" dira plus tard McColl.

On peut entendre d'autres extraits des radio ballads originales
ici, et se les procurer , entre autres. Ne pas confondre avec la nouvelle et mièvre série produite par la BBC en 2006 : elle a autant à voir avec l'original que Tony Blair avec un mineur en grève.

Condamné aux budgets de misère, régulièrement blacklisté et sous surveillance policière, collecteur et éditeur acharné de folksongs et de ballades, musicologue et pédagogue autant que chanteur, acteur du folk revival à travers le Ballad and blues club puis le Singers club, McColl est aussi au coeur d'un petit mystère : particulièrement surveillé par le MI5, cela ne l'empêche pas de déserter à la fin de 1940, et de ne réapparaître qu'après la guerre sous un nouveau nom, sans être autrement inquiété semble-t-il. L'hypothèse la plus couramment avancée est qu'il n'avait pas envie de mourir - que ceux qui ne sont pas attachés à la vie lui jettent la première pierre. La dame à la faux, elle, l'a rattrapé le 22 octobre 1989. Cradle to the grave...

In the morning we built the city
In the afternoon walked through its streets
Evening saw us leaving
We wandered through our days as if they would never end
All of us imagined we had endless time to spend
We hardly saw the crossroads and small attention gave
To the landmarks on the journey from the cradle to the grave
Cradle to the grave, cradle to the grave


Did you learn to dream in the morning?
Abandon dreams in the afternoon?
Wait without a hope in the evening?
Did you stand there in the traces and let them feed you lies?
Did you trail along behind them wearing blinkers on your eyes?
Did you kiss the foot that kicked you? Did you thank them for their scorn?
Did you ask for their forgiveness for the act of being born?
Act of being born, act of being born


Did you alter the face of the city?
Make any change in the world you found?
Or did you observe all the warning?
Did you read the trespass notice? Did you keep off the grass?
Did you shuffle off the pavement just to let your betters pass?
Did you learn to keep your mouth shut? Were you seen and never heard?
Did you learn to be obedient and jump to at a word?
Jump to at a word, jump to at a word


And did you ever demand any answer?
The who and the what and the reason why
And did you ever question the setup?
And did you stand aside and let them choose while you took second best?
Did you let them skin the cream off and then give to you the rest?
Did you settle for the shoddy? And did you think it right
To let them rob you right and left and never make a fight?
And never make a fight, never make a fight


What did you learn in the morning?
How much did you know in the afternoon?
Were you content in the evening?
And did they teach you how to question when you were at the school?
Did the factory help you grow? Were you the maker or the tool?
Did the place where you were living enrich your life and then?
Did you mix among the standing of all your fellow men?
All your fellow men, all your fellow men, all your fellow men


La Ballad of accounting est un classique des chanteurs de rue britanniques - on peut trouver sur ce site toute une série de réinterptétations par des buskers d'aujourd'hui.


(1) On peut lire ici des extraits du livre que Peter Cox a écrit sur l'aventure des radio ballads, et de ceux qui les ont faites.

18/05/2009

Soixante-quatorze canons, une statue de Saint Louis, une paire de pantalons blancs et des difficultés avec l'aquarelle (le voyage de Meryon, #7)



Le Provence lors de la prise d'Alger

Meryon n'a pas suivi les conseils (1) que lui donnait le capitaine Cécille dans la diligence de Brest à Paris, il ne s'est pas joint à l'expédition de l'Aube pour la Nouvelle-Zélande sous les ordres de Lavaud - il est d'ailleurs probable que le tout jeune cadet de seconde classe, sans appui ni recommandation, avait peu de chance d'être choisi pour en faire partie. Prenant ses ordres au Ministère de la Marine, il apprend qu'il est affecté à bord de l'Alger, en rade de Toulon.

Les noms successifs de ce vaisseau de 4ème rang de 74 canons étaient un abrégé d'histoire contemporaine : mis sur cale sous l'empire en 1812 sous le nom de Kremlin au moment de la campagne de Russie, rebaptisé Provence lors de la première Restauration (probablement en l'honneur du comte de Provence, frère du roi et futur Charles X), il se transforme en Hercule pendant les Cent-Jours pour redevenir Provence au second retour des Bourbons. Il tenait son dernier nom du fait qu'il avait été le navire-amiral de Duperré au moment de la prise d'Alger en 1830.

L'Alger, accompagné du Neptune et de l'Amazone, appareille à la fin novembre 1839 avec Meryon à son bord, et accoste à la ville blanche en décembre. Les Français ne contrôlent encore que le tiers côtier du pays, en vertu du dernier accord signé avec l'émir Abd-el-Kader, le traité de Tafna. Mais Louis-Philippe vient juste de le rompre unilatéralement en envoyant son armée dans la chaîne des Bibans, aux Portes de fer...


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Adrien Dauzats - Le Passage des Portes de fer en Algérie, 18 octobre 1839

...cette troisième guerre contre l'émir durera huit ans - justement le convoi de l'Alger apporte des troupes fraîches.



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Jean-Charles Langlois - Djamaa el-jedid, La mosquée de la pêcherie, la batterie du Dey Hussein
et les décombres de la démolition de la place d'armes, 1832

Meryon visite la ville "...toutes les habitations sont basses, très blanches comme neige, rectangulaires, portant de petits trous comme fenêtres, les habitants ont pour la plupart de belles figures, des habillements à la turque, le teint basané, la démarche noble; le ciel d'un bleu magnifique contribue à donner à tout cela un aspect charmant; je ne saurais trop définir les sensations que j'ai éprouvées en arrivant au mouillage par un temps superbe, et montant tout à coup sur la dunette où mon poste de mouillage m'avait empêché d'accéder jusque-là. Le soir même j'eus la permission de m'y rendre avec quelques-uns de mes camarades" (2).

L'Alger est de retour à Toulon à la mi-Janvier. Le 17 février 1840 il fait voile pour le Levant via Athènes, Argos, Corinthe, Mycènes et l'île de Mélos : les marines anglaise et française surveillent les côtes de la Grèce nouvellement indépendante. Meryon dessine un peu, rêve devant le monument de Lysicrate...


Le monument de Lysicrate, Lippincott's Magazine, Février 1873

...et la Porte des lions.


Oulthwaite - La porte des lions à Mycènes, détail

A Smyrne le 3 avril, il est transféré sur le Montebello, vaisseau trois ponts de 120 canons, amiral La Susse. On le retrouve en octobre à Salamine, puis de retour à Toulon le 20 novembre. Il n'en repartira qu'en Juin 1841 pour Tunis - le Bey a concédé aux Français un bout de terrain à Carthage pour y ériger une chapelle et une statue de Saint Louis, mort en ces lieux au cours de la VIIIème croisade, et le Montebello doit participer aux cérémonies d'inauguration. Retour en fin septembre à Toulon, où il est nommé cadet de 1ère classe le 28 Janvier 1842.

Celui qui sera le plus grand artiste-graveur du XIXème siècle n'est encore qu'un officier de marine incertain de sa destinée. Il a vu Alger la blanche et le Parthénon, contracté un herpès génital, connu la gêne financière des jeunes militaires pauvres, au point de devoir mettre en gage la montre en or léguée par sa mère pour pouvoir s'acheter une paire de pantalons blancs (3).

"...Je commence à avoir des effets un peu usés, et à bord du bâtiment où je suis maintenant l'Amiral est d'une grande sévérité pour la tenue. Tu conçois ensuite qu'à la mer nous sommes formellement exposés à perdre beaucoup d'effets. C'est ainsi que je perdis une de mes casquettes en prenant le bas-ris au grand hunier. Il ventait tellement fort que ma casquette fut enlevée presqu'horizontalement à une distance très grande...ensuite, étant obligés de monter dans les haubans mes souliers disparaissent fort vite. Il en est de même de nos habits qui descendent souvent remplis du suif qu'ils ont ramassé au mât de hune. Pour plaire à l'amiral La Susse, il faut d'abord être très bien habillé, autrement il vous regarde d'un assez mauvais oeil. Jusqu'à présent, je n'ai pas encore eu le temps de lui plaire ou de lui déplaire mais je vais faire tout mon possible pour être vu avantageusement par lui car c'est un homme qui tourmente beaucoup ceux qui ne lui plaisent pas..." (4)

Surtout, il s'est mis à dessiner en Grèce et à Alger. Passe-temps assez courant chez les officiers de marine de l'époque, formés au relevé cartographique; mais Meryon décide d'approfondir. Est-ce vraiment pendant son escale à Salamine que l'idée lui est venue ?

"Depuis ma sortie de l'Ecole navale, jusqu'à mon séjour dernier à Athènes, j'avais complètement abandonné le dessin; mais là ainsi qu'à Napoli di Romani mes anciens goûts se sont réveillés de leurs langueurs trop prolongées et maintenant je suis possédé d'une joie intérieure très grande, en songeant qu'à Toulon j'aurai peut-être le bonheur de pouvoir cultiver cet art, dont les attraits me paraissent plus grands que jamais... Vers la fin de mon séjour à Salamine... je n'avais plus le sou, de sorte que je fus obligé de rester à bord : je manquais de choses nécessaires; eh bien certes si j'avais eu une trentaine de francs à ma disposition, je crois réellement que j'aurai (sic) préféré aller cinq ou six fois sur les hauteurs du Parthénon, exercer mon faible crayon, plutôt que d'employer cet argent à acheter des souliers dont j'avais certes grand besoin, puisqu'au moment où je t'écris je n'en ai plus qu'une paire que je suis obligé de bien faire noircir tous les matins afin de cacher les trous qui n'y manquent pas" (5).

Pendant l'hiver de 1840 il prend des leçons de dessin au sépia chez Vincent Courdouan, peintre, pastelliste et aquarelliste toulonnais de renom, ami d'Horace Vernet et futur félibre, plusieurs fois récompensé pour ses envois au Salon de Paris.


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Vincent Courdouan - Combat du Romulus, médaille de 2ème classe au Salon de 1848.


Et l'hiver suivant il décide de passer à l'aquarelle, mais s'aperçoit vite qu'il a "un défaut inné dans la vue qui me fait confondre certaines couleurs quand elles sont très étendues d'eau", découverte dont les conséquences ne seront pas minces : Meryon est daltonien. Il n'en persévère pas moins, avec une logique bien à lui, "j'espère cependant que l'habitude et la pratique feront disparaître ce vice" (6).

(1) voir la fin de l'épisode 5.

(2) Lettre à son père Charles Lewis Meryon, rade de Toulon à bord l'Alger, 20 janvier 1840, citée par Ducros, Charles Meryon officier de marine peintre-graveur, catalogue du Musée de la Marine, Les presses artisitiques, 1968, cat. n°332.

(3) Toutes choses que nous savons par la correspondance qu'il échange avec son père, cf. par exemple Roger Collins, Charles Meryon, a life, Garton & Co, Devizes, 1999, pp. 34-37.

(4) Lettre à Charles Lewis Meryon, citée par Ducros, op. cit. cat. n°338.

(5) Lettre à Charles Lewis Meryon, 12 novembre 1840, citée par Ducros, op. cit. cat. n°339.

(6) Lettre à Charles Lewis Meryon, 9 novembre 1841, citée par Collins, op. cit. p. 38.

16/05/2009

15/05/2009

Ronde de nuit : le frère de l'artiste

George Romney - Portrait of the artist's brother, James Romney, holding a candle, 1761

14/05/2009

Jim O'Rourke/Koji Wakamatsu : United Red Army



Mis en ligne par dissidenztv


Rien que pour la musique de Jim O'Rourke (ex-Sonic Youth) il faudrait voir le film de Koji Wakamatsu, United Red Army.

Le film
(coming soon to a theater near you : 4 salles en France...) décrit la dérive militariste de deux fractions du Bund Zengakuren - l'organisation militante des étudiants japonais dans les années soixante. Les deux groupes fusionnent en 1972 pour former l'Armée Rouge Unie et passent à la lutte armée - tentative manquée de séquestration du premier ministre Sato, détournement du vol 351 de la Japan Air Lines vers la Corée du nord. Traqués par la police, ils se regroupent dans une base d'entraînement à la guérilla établie dans les montagnes de la préfecture de Gunma. Isolés dans la neige, ils se mettent à débusquer leurs propres déviations pour "renforcer la cohésion du groupe" : autocritiques forcées, tabassages, et pour finir exécution de plusieurs des membres par leurs propres camarades. Les survivants partent dans la montagne et finissent par se retrancher dans un gîte touristique, le châlet d'Asama, prenant l'hôtelière en otage et soutenant un siège policier de dix jours, au bout desquels ils finissent par être capturés.

Wakamatsu divise son film en trois parties. D'abord une présentation historique de la Zengakuren et de son éclatement en factions, qui risque de dérouter ceux qui n'ont pas déjà quelques références (1) sur le sujet. Puis les séances d'épuration dans la montagne (ici, âmes sensibles s'abstenir, même si le réalisateur ne sombre pas dans le gore comme d'autres productions japonaises s'inspirant des mêmes événements). Enfin l'incident d'Asama-Sansô, traité un peu à la manière de Carpenter dans
Assault on Precinct 13 - tout se passe à l'intérieur du refuge, on ne voit jamais les policiers sauf lors de l'assaut final. Cette dernière partie est une prouesse cinématographique. Wakamatsu a, paraît-il, détruit sa résidence secondaire pour y tourner ces séquences.

Son film est cent coudées au-dessus de celui d'Uli Edel sur le pendant allemand de cette aventure (
der Baader-Meinhof komplex). Evitant le spectaculaire il a le mérite, comme Nuit et brouillard au Japon d'Oshima, de montrer d'abord l'activité quantitativement principale de ces groupes : non pas l'action violente, mais la discussion (tout aussi violente). S'agissant précisément de la violence, Wakamatsu s'épargne la sympathie trouble tout autant que le commentaire moralisant - aidé en cela par son histoire personnelle - yakuza jusqu'en 56, puis très proche des groupes d'extrême-gauche qu'il décrit, il connaît la question. Pas de posture critique en surplomb, mais une dissection des rapports interpersonnels indiscernables de l'idéologie - cette impossibilité de discerner est d'ailleurs le sujet même du film puisque la violence est interne au groupe, chaque militant pouvant devenir à son tour bourreau puis victime. Les leaders, Tsuneo Mori et Hiroko Nagata (superbe prestation de l'actrice Akie Namiki)...




Mis en ligne par dissidenztv


...sont présentés, probablement à raison, comme les coryphées-marionnettes d'une folie collective. Analyse distanciée des ressorts de l'affaire - délire idéologique de militants perdus dans le brouillard, terreur mimétique, et ce trait culturel si profondément japonais, l'impossibilité de se dissocier du groupe.

Les marches dans la neige, l'air raréfié des montagnes de Kantô, tout cela symbolise l'isolement de cette génération militante fracassée à répétition contre le mur de béton du Japon de la guerre froide. La pression sociale, comme la police, est omniprésente mais constamment hors-champ - en cela le film rappelle
Ice, le chef-d'oeuvre depuis longtemps invisible de Robert Kramer.


Robert Kramer - Ice, 16mm. n&b, 1969


Je me souviens des années 69-70 à Paris - dans l'extrême-gauche un peu paramilitaire le Zengakuren Bund était un mythe - les militants se racontaient les combats du 19 janvier 1969 dans la "forteresse Yasuda", la tour de l'Université Todaï que la police anti-émeute avait dû reprendre au corps à corps étage par étage, jusqu'au toit.



Les combats de Yasuda
Mis en ligne par rosamour

Symétriquement, les Japonais devaient fantasmer sur la France et sur Mai 68 - les scènes de bar, les plus émouvantes du film de Wakamatsu, se jouent sur fond de Temps des cerises.

Erri de Luca, qui était à l'époque responsable du Service d'ordre de Lotta Continua, explique quelque part qu'en ce temps-là la Terre était plate, avec deux faces : Est et Ouest. On était tous plus ou moins des combattants de la guerre froide - certains plus que d'autres, et plus longtemps que d'autres.

Tsuneo Mori, arrêté en 72, s'est suicidé dans sa cellule un an plus tard; capturée en même temps que lui, Hiroko Nagata a été condamnée à la peine capitale en 1972 - elle est depuis trente-sept ans dans le couloir de la mort. La dernière dirigeante de l'Armée Rouge Japonaise, Fusako Shigenobu, a été arrêtée le 8 Novembre 2000 à Osaka après trente ans de clandestinité. Lors de son procès en 2001 elle a annoncé la dissolution officielle de son armée - elle devrait sortir de prison dans une quinzaine d'années. Le livre qu'elle a publié en 2001 porte un titre qui est une adresse à sa fille : "j'ai décidé de te donner la vie sous un pommier".






Jim O'Rourke - Viva Forever
Mis en ligne par dadoubaiu



(1) On peut en trouver (en anglais) dans cette interview de Patricia Steinhoff (5 parties à la suite)

13/05/2009

L'art de la rixe : Meissonnier/Bracquemond


Ernest Meissonnier -
La rixe, 1855



Bracquemond -
La rixe, d'après Meissonnier, 1885

Ici, le combat se joue aussi entre l'original et l'estampe qui le reproduit, l'avantage revenant de loin à cette dernière. Là où Meissonnier assourdit - et alourdit - le mouvement d'ensemble par le clair-obscur, Bracquemond l'éclaire (voir le traitement du mur du fond) et l'ouvre (la porte à droite). Meissonnier peint une scène de genre classique, certes plus expressive que d'autres disputes de taverne, mais se retranche dans une manière qui neutralise la violence de son sujet. Bracquemond, au contraire, utilise les ressources de l'eau-forte - contraste, expressivité - pour en faire une pure sauvagerie en suspens. Ce que nous saisissons instinctivement du tableau de Meissonnier c'est une tension qui évite la rixe. La gravure de Bracquemond, elle, laisse la porte grande ouverte à un dénouement sanglant - on pourrait même dire qu'elle le fait désirer.

12/05/2009

Duos : Ville et campagne, Angrand/Morbelli

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Charles Angrand - Couple dans la rue, 1887




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Angelo Morbelli - Alba domenicale, 1890

11/05/2009

Ayons congé : le zèle des néophytes

Michel Lieb, dit Mihály Munkácsy - Apprenti bâillant, 1880

05/05/2009

Transports en commun : Moullet



Luc Moullet - Barres (1ère partie)
Mis en ligne par cinemarati





Luc Moullet - Barres (2ème partie)
Mis en ligne par cinemarati


...et, avec les autres petits chefs-d'oeuvre de Luc Moullet, on peut maintenant le trouver ici, ou .

03/05/2009

Transports en commun : Tissot/Bishop



Isabel Bishop - Single strap hanger, 1940






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James (Jacques) Tissot - Gentleman in a railway carriage, 1872